Le président soudanais conserve une vive rancœur contre les Etats-Unis notamment, qui viennent de lever des sanctions économiques vieilles de vingt ans.
Pour commémorer l’indépendance de son pays, Omar el-Béchir a montré qu’il ne se laisserait pas marcher sur les pieds. Dans son discours prononcé hier à l’occasion de la Fête nationale du Soudan, ce dernier n’a pas manqué d’égratigner légèrement les Etats-Unis, qui ont levé, le 6 octobre dernier, leurs sanctions économiques vieilles de vingt ans à l’encontre du pays. Tout en le maintenant sur leur liste des principaux Etats qui financent le terrorisme. M. El-Béchir a ainsi exprimé sa gratitude envers l’Arabie saoudite, aux Emirats arabes unis (EAU) et d’autres pays arabes et africains, qui ont aidé le Soudan à tourner la page des sanctions. Ou presque.
En visite en Russie, fin novembre dernier, le chef de l’Etat soudanais s’était déjà montré quelque peu rancunier à l’égard de Washington ; il avait demandé expressément à Vladimir Poutine « la protection contre des actes d’agression provenant des Etats-Unis. » Il y a quelques jours, c’est le président turc, Recep Tayyip Erdogan, en déplacement à Khartoum, qui prenait fait et cause pour le Soudan, en appelant les Américains à lever totalement les sanctions. « La Turquie continuera de se tenir aux côtés du peuple soudanais » avait ainsi déclaré le chef de l’Etat turc, le premier à se rendre dans ce pays de l’est de l’Afrique depuis son indépendance, acquise en 1956 auprès des Britanniques et des Egyptiens.
« La légitimité au Yémen »
Pour l’instant, d’autres sanctions, imposées cette fois-ci par le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) et liées au conflit au Darfour (ouest du Soudan), sont toujours actives. Un embargo qui empêche principalement l’envoi d’armes et de matériel de guerre aux acteurs engagés dans cette région, qui voit s’opposer depuis 2003 des milices arabes – soutenues par le gouvernement – et d’autres dites « rebelles ». Selon les chiffres de l’ONU, qui a en ce moment plus de 15 000 soldats sur place, les combats auraient fait plus de 300 000 morts parmi les civils. Omar el-Béchir est à ce titre sous le coup de deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), pour crimes contre l’humanité et génocide.
Ce qui ne l’a pas empêché de confirmer, hier, en marge de sa déclaration sur les sanctions américaines, que l’armée soudanaise poursuivra ses opérations au Yémen, dans le cadre de la coalition militaire arabe dirigée par l’Arabie saoudite depuis mars 2015. Le chef de l’Etat soudanais a ainsi dissipé les rumeurs concernant le retrait de ses troupes des opérations de la coalition. « Permettez-moi de remercier tout particulièrement les courageuses forces qui participent fièrement, avec une capacité exemplaire qui a été reconnue par les observateurs, aux efforts visant à rétablir la légitimité au Yémen », a-t-il déclaré.
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« Le peuple persévérant de la Palestine »
Une participation « dictée par nos valeurs religieuses, notre héritage moral et la lutte contre le terrorisme et l’agression. Et nous continuerons […] jusqu’à ce qu’elle atteigne ses nobles objectifs. » Sous-entendu : lorsque les rebelles Houthis, les combattants chiites soutenus par l’Iran, contre qui le gouvernement yéménite et la coalition arabe se battent depuis plus de deux ans, seront mis hors d’état nuire. Problème : les bombardements à répétition de la coalition, qui n’hésite pas à viser des positions autres que militaires, font de nombreuses victimes parmi les civils. Selon l’ONU, la guerre civile au Yémen a ainsi fait, pour l’instant, plus de 10 000 morts et 2 millions de déplacés, et 7 à 8 millions de personnes sont sous le coup de la famine.
Enfin, Omar el-Béchir a déclaré qu’il soutenait pleinement les efforts des Palestiniens pour garder le contrôle de leurs terres face à l’agression israélienne. « Permettez-moi de saluer en votre nom le peuple persévérant et patient de la Palestine […] Nous renouvelons la déclaration de pleine et entière reconnaissance du peuple palestinien dans sa juste cause pendant qu’il lutte pour la victoire de l’islam et la défense des lieux saints musulmans et chrétiens de Jérusalem ». Une critique à peine masquée de la position de Washington sur le sujet, Donald Trump ayant affirmé, début décembre, qu’il reconnaissait la ville sainte comme capitale d’Israël. Ou comment affirmer encore un peu plus son insoumission par rapport aux Etats-Unis.
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