Le ministre de la Sécurité nationale, un ultranationaliste accusé de politiser la police, a promis d’adopter une ligne dure.
Des semaines de manifestations anti-gouvernementales en Israël ont tourné à la violence, mercredi, pour la première fois, la police ayant utilisé des grenades assourdissantes et un canon à eau sur des manifestants qui bloquaient une autoroute de Tel-Aviv, la capitale israélienne. La répression a eu lieu peu de temps après que le ministre israélien de la Sécurité nationale, partisan d’une ligne dure, a appelé à une réponse sévère à ce qu’il a appelé des « anarchistes ».
La violence est survenue alors que des milliers de personnes à travers le pays ont lancé une « journée de perturbation nationale » contre le projet du gouvernement de remanier le système judiciaire israélien. Les alliés du Premier ministre Benjamin Nétanyahou affirment que le programme est destiné à réduire l’influence des juges non élus. Mais ses détracteurs, dont des chefs d’entreprise influents et d’anciens militaires, affirment que M. Nétanyahou pousse le pays vers un régime autoritaire et qu’il y a un conflit d’intérêts évident à cibler les juges alors qu’il est jugé pour corruption.
« Etat policier »
Le gouvernement va de l’avant avec les changements juridiques et une commission parlementaire avance sur un projet de loi qui affaiblirait la Cour suprême. La crise a provoqué une onde de choc en Israël et a placé M. Nétanyahou devant un sérieux défi, deux mois seulement après son retour au pouvoir, tandis qu’une vague de violence israélo-palestinienne en Cisjordanie occupée a aggravé ses difficultés.
« Les parties rivales se retranchent, aggravant l’une des pires crises intérieures d’Israël. M. Nétanyahou et son gouvernement, composé d’ultranationalistes, ont qualifié les manifestants d’anarchistes, tout en s’abstenant de condamner une foule de colons de Cisjordanie qui a incendié un village palestinien en début de semaine », indique l’agence de presse américaine Associated Press (AP).
La réforme juridique a déclenché un tumulte sans précédent, avec des semaines de manifestations de masse, des critiques de la part d’experts juridiques et de rares manifestations de réservistes de l’armée qui se sont engagés à désobéir aux ordres de ce qui, selon eux, deviendra une dictature après l’adoption de la réforme. Des chefs d’entreprise, le secteur technologique en plein essor du pays et d’éminents économistes ont mis en garde contre les bouleversements économiques qui résulteraient des changements judiciaires. Les alliés internationaux d’Israël ont exprimé leur inquiétude.
Dans les premières scènes d’agitation depuis le début des manifestations, il y a deux mois, la police est arrivée à cheval dans le centre de la métropole balnéaire de Tel-Aviv, a lancé des grenades assourdissantes et utilisé un canon à eau contre des milliers de manifestants qui scandaient « démocratie » et « État policier ». Une vidéo publiée sur les médias sociaux montre un policier plaquant au sol un manifestant avec son genou sur le cou de l’homme et une autre montre un homme qui aurait eu l’oreille arrachée par une grenade assourdissante.
Face à la police, les manifestants ont également scandé « où étiez-vous », une référence à l’absence des forces de sécurité lors de l’attaque des colons contre le village palestinien de Hawara, qui a mis des heures à être réprimée et à laquelle l’armée a déclaré ne pas avoir été préparée.
« Les manifestants sont des patriotes »
Selon la police, les manifestants ont jeté des pierres et des bouteilles d’eau sur les policiers. Plusieurs manifestants ont été arrêtés pour trouble à l’ordre public et les médias israéliens ont indiqué qu’au moins six manifestants avaient été blessés. Plus tôt dans la journée de mercredi, des manifestants ont bloqué la principale autoroute de Tel-Aviv et l’autoroute reliant la ville à Jérusalem, interrompant le trafic aux heures de pointe pendant environ une heure. Dans les gares très fréquentées de Tel-Aviv, les manifestants ont empêché le départ des trains en bloquant leurs portes.
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, un ultranationaliste accusé de politiser la police, a promis d’adopter une ligne dure. Il a appelé la police à empêcher les blocages de routes, qualifiant les manifestants d’ « anarchistes ». M. Nétanyahou a déclaré que M. Ben-Gvir avait tout son soutien. « Nous ne tolérerons pas la violence contre la police, le blocage des routes et les violations flagrantes des lois du pays. Le droit de manifester n’est pas le droit à l’anarchie », a-t-il déclaré.
M. Nétanyahou a également accusé le chef de l’opposition, Yair Lapid, de fomenter l’anarchie. Celui-ci a appelé la police à faire preuve de retenue et a déclaré que le gouvernement de Nétanyahou avait perdu le contrôle. « Les manifestants sont des patriotes, a tweeté Lapid. Ils se battent pour les valeurs de liberté, de justice et de démocratie. Le rôle de la police est de leur permettre d’exprimer leurs opinions et de se battre pour le pays qu’ils aiment. »
Des milliers de manifestants sont sortis dans des endroits à travers le pays en brandissant des drapeaux israéliens. Des parents ont défilé avec leurs enfants, des travailleurs de la technologie ont quitté leur travail pour manifester et des médecins en blouse ont protesté devant des hôpitaux. Les principaux rassemblements étaient attendus plus tard, mercredi, devant la Knesset (le parlement israélien), et près de la résidence officielle de Nétanyahou à Jérusalem.
Crédits photo : La Knesset (le parlement d’Israël), devant laquelle étaient attendus les manifestants, mercredi (Wikimedia Commons).