En marge de l’affaire Khashoggi, l’Arabie saoudite est de plus en plus critiquée par ses partenaires pour son intervention au Yémen.
Les Etats-Unis lâcheraient-ils leur allié saoudien dans la guerre au Yémen ? Sans doute pas. Mais depuis quelques jours, les déclarations américaines invitant Riyad à revoir sa copie chez son voisin yéménite s’empilent. Mardi 30 octobre, Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain, a déclaré : « Le moment est venu de mettre fin aux hostilités. » Un message destiné aussi bien aux Saoudiens, qui dirigent une coalition de pays arabes depuis mars 2015, qu’aux rebelles houthistes. Les premiers, soutien du gouvernement yéménite en exil, sont soupçonnés de viser aussi bien les positions militaires que civiles ; les seconds, combattants chiites, soutenus (à moindre frais) par l’Iran, envoient régulièrement des missiles vers l’Arabie saoudite.
Affaire Khashoggi
Un peu plus tôt dans la même journée, le ministre américain de la Défense, James Mattis, avait enjoint les deux parties à cesser les hostilités et faire place à un processus de paix « d’ici 30 jours ». « Je pense que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis [membre important de la coalition arabe qui intervient au Yémen, dans le Sud en l’occurrence, ndlr] sont prêts », a-t-il déclaré après avoir rencontré plusieurs dirigeants arabes, le week-end dernier, en marge du « Dialogue de Manama », une conférence annuelle sur la sécurité organisée au Bahreïn. Alors que, jusqu’à présent, Washington avait toujours soutenu la croisade du prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman (dit « MBS »), au Yémen, la diplomatie américaine semble mettre de l’eau dans son vin.
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Un revirement qui ne doit rien au hasard, puisqu’il intervient au moment où le jeune dirigeant saoudien, fortement soupçonné d’avoir commandité l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, le 2 octobre dernier à Istanbul (Turquie), croule sous les critiques. De ses alliés occidentaux, notamment, qui profitent de l’affaire Khashoggi pour mettre Riyad face à ses responsabilités dans le dossier yéménite. De manière parfois scabreuse : tandis que le président français, Emmanuel Macron, s’est farouchement opposé à la suspension des ventes d’armes tricolores aux Saoudiens – deuxième client de l’Hexagone -, la ministre des Armées, Florence Parly, a estimé mardi dernier que l’intervention au Yémen devait absolument cesser. Ou comment ménager à la fois son portefeuille et son image…
« Crise alimentaire »
Le principal argument de la ministre française ? Celui de la situation humanitaire, que les Nations unies (ONU) jugent depuis près d’un an « catastrophique ». « La situation humanitaire au Yémen est la pire au monde : 75 % de la population, soit 22 millions de personnes, a besoin d’une aide et de protection, dont 8,4 millions sont en situation d’insécurité alimentaire grave et dépendent d’un apport en nourriture urgent », a d’ailleurs fait savoir Mark Lowcock, le secrétaire général adjoint de l’ONU pour les affaires humanitaires, il y a quelques jours. Ce dernier, qui s’entretient régulièrement avec les membres du Conseil de sécurité au sujet de Yémen, d’ajouter que « la plus vaste opération humanitaire est en cours », alors qu’une « crise alimentaire » a éclaté, « directement liée conflit » selon lui.
Le cessez-le-feu prôné par les Etats-Unis et, globalement, tous les observateurs du conflit yéménite, s’avère donc indispensable. Mais pour James Mattis, il nécessite que les rebelles houthistes, qui occupent une grande partie de l’ouest du Yémen – dont le premier port du pays, Hodeïda -, acceptent de se retirer et que la coalition saoudienne stoppe ses bombardements. Ce qui ne devrait pas arriver de sitôt. Début septembre dernier, alors que devaient se tenir des pourparlers de paix interyéménites à Genève (Suisse), les combattants soutenus par l’Iran avaient refusé de faire le déplacement, estimant que leur retour à Sanaa, la capitale yéménite, n’était pas assuré. Des précautions de leur part qui en disent long sur la difficulté du dossier, que la diplomatie tente une nouvelle fois de faire avancer.
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