Le responsable des affaires humanitaires de l’ONU a appelé vendredi l’Arabie saoudite à lever complètement son blocus autour du Yémen.
Après deux années de guerre, plus de 10 000 morts et une situation humanitaire catastrophique, la communauté internationale s’intéresserait-elle pour de bon à la situation au Yémen ? Vendredi, le chef du Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (ONU), Mark Lowcock, a appelé la coalition menée par l’Arabie saoudite à lever son blocus dans le pays du sud de la Péninsule arabique, où 7 à 8 millions de personnes sont « au bord de la famine » selon lui. « Le blocus a été partiellement levé mais pas complètement. Il faut qu’il le soit complètement si nous voulons éviter une affreuse tragédie humanitaire impliquant la perte de millions de vies, comme le monde n’en a plus connu depuis de nombreuses décennies » a-t-il ajouté.
Affrontement hégémonique
Le 8 novembre, déjà, il avait alerté le Conseil de sécurité de l’ONU sur la question humanitaire au Yémen, en proie à « la pire famine depuis des décennies » – plus de 20 millions de personnes ont aujourd’hui besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Un avertissement relayé par Carl Skau, le représentant suédois adjoint aux Nations unies et porte-parole du Conseil de sécurité, qui avait parlé d’un pays « dévasté » et appelé à la tenue d’une réunion de toute urgence. Les organisations humanitaires, constatant une dégradation rapide de la situation humanitaire et économique du pays, avaient également réagi : « L’impact de ce blocus sur la population est déjà évident et va mettre en danger des centaines de milliers de vies. »
Depuis 2015, les Saoudiens prêtent main forte aux forces pro-gouvernementales yéménites, engagées contre les rebelles Houthis, des combattants chiites soutenus par l’Iran, retranchés dans l’ouest du pays. Ces derniers réclament, en tant que minorité – ils sont environ 30 % au Yémen contre 70 % de sunnites –, une meilleure considération de la part de Sanaa, et perpétuent de facto l’insurrection houthistes débutée en 2004. Théâtre « privilégié », au même titre que le Liban et, dans une moindre mesure, la Syrie, de l’affrontement hégémonique que se livrent l’Arabie saoudite et la République islamique dans la région, le Yémen a vu la situation s’aggraver lorsque les Houthis ont tiré un missile vers Riyad, le 4 novembre dernier.
« Reprise des vols humanitaires »
C’est pour répondre à ce tir balistique – stoppé dans le ciel de la capitale saoudienne sans faire de dégâts – que les Saoudiens avaient décidé d’ériger un blocus au Yémen, comme ils l’avaient fait au Qatar et projetaient de la faire au Liban. Sauf que les conditions humanitaires déplorables que connaissent actuellement les Yéménites les ont obligés à revoir leur copie. « J’ai demandé cinq choses à propos du blocus saoudien » a déclaré Mark Lowcock. « Sur certaines, j’ai été entendu, comme la reprise des vols humanitaires et la réouverture partielle des ports de Hodeïda et de Salif sur la mer Rouge. [Mais] je cherche des solutions et il est absolument essentiel que tout le monde respecte ses engagements internationaux. »
La coalition emmenée par l’Arabie saoudite a effectivement annoncé, mercredi 22 novembre, qu’elle autorisait l’aide humanitaire à transiter par ces deux ports, et l’ONU aura également le droit d’utiliser l’aéroport de Sanaa. Mardi dernier, c’est un navire affrété par les Nations unies et chargé de produits alimentaires qui accostait ainsi à Hodeïda ; selon des responsables houthistes, un autre transportant des marchandises commerciales devait arriver à Salif. Outre la nourriture, dont le prix d’importation a fortement augmenté ces dernières semaines, les Yéménites ont surtout besoin de soins, le système de santé étant exsangue après plus de deux ans de conflit. Un conflit sur lequel la communauté internationale vient enfin, et semble-t-il pour de bon, d’ouvrir les yeux.

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