Asmara est suspectée d’instrumentaliser une partie du réseau d’interprètes chargés d’accueillir les réfugiés érythréens en Italie.
Alors que le contingent de migrants en provenance d’Érythrée demeure toujours plus important en Italie – plus de 27 000 arrivées depuis 2016 -, l’indépendance des interprètes chargés de les aiguiller sur « cette nouvelle terre d’accueil » se pose. Ces derniers joueraient en effet un double jeu avec le gouvernement de leur pays d’origine, explique le père Mussie Zerai, connu pour son rôle actif auprès des réfugiés sur le Vieux Continent.
« Au moins la moitié d’entre eux sont membres du parti. Ils y jouent même un rôle actif », martèle-t-il auprès de RFI. Et pour cause, le problème est d’autant plus épineux que leur appui est primordial au sein des commissions qui détermineront si les réfugiés obtiendront ou pas l’asile politique en Italie.
Or le rôle de ces interprètes est de mettre en confiance ces malheureux exténués par un long voyage et qui souhaitent avant tout se confier. Ce qui incombe une indépendance certaine vis-à-vis des autorités, que fuient ces hommes et femmes. Pourtant, du côté la Cooperativa ITC, un cabinet romain qui emploie une trentaine de traducteurs et d’interprètes érythréens, tout semble fait pour éviter « les conflits d’intérêts », plaide Mariana De Maio, sa présidente.
« [Nous mettons tout en place] pour leur faire comprendre qu’ils ne doivent absolument pas avoir de rapports avec les États et les gouvernements d’origine. Je ne suis pas en mesure de savoir ce qu’un interprète fait en dehors de ses heures de travail ou s’il utilise les informations qu’il obtient dans le cadre de son travail à d’autres fins. Je ne suis pas la police ! », se défend-elle.
Politique de racket
Malheureusement, ce processus de sensibilisation ne suffit pas à éliminer les canards boiteux en raison d’un système particulièrement bien huilé, poursuit le père Zerai. « Lorsque des Européens sont à la recherche de traducteurs ou d’interprètes, leur réflexe est de contacter l’ambassade, y compris dans le cas de l’Érythrée. En conséquence, l’ambassade érythréenne enverra systématiquement un des siens », soupire-t-il.
Selon RFI, cette manne d’informations extorquée au sein de la diaspora permettrait à Asmara de procéder à une politique de chantage envers les expatriés, dont 2 % des revenus seraient reversés de facto au gouvernement érythréen.
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