Dimanche 3 mars, la diaspora algérienne de France est à nouveau appelée à manifester contre le 5ème mandat de Bouteflika.
Debout, droite, la République semblait compatir et partager la peine des manifestants, dimanche dernier, qui s’accrochaient à son chevet tout comme à leur espoir naissant. Depuis le place parisienne qui porte son nom, les « Pouvoir assassin », « Seul le pouvoir du peuple » ou encore « République et non monarchie », en référence à l’Algérie évidemment, résonnaient, quelques jours après le début des manifestations, de l’autre côté de la Méditerranée, contre la candidature d’Abdelaziz Bouteflika à la présidentielle d’avril prochain.
Ciel dégagé, temps clément et ambiance sympathique : les Algériens de France étaient venus par centaines protester et dire haut et fort que le « 5ème mandat ne passera pas » ; femmes, hommes, familles et militants étaient au rendez-vous, ponctuels et criant à l’unisson. Les voix modulées et l’ambiance bon enfant. Les visages étaient sereins, arborant un rictus naissant, signe d’un espoir grandissant et d’une confiance en flèche, chez ces manifestants nourris par le même désir : celui d’empêcher « le mandat de la honte ».
Si les têtes étaient tournées vers l’imposante statue, les esprits, quant à eux, restaient focalisés sur les lendemains meilleurs qui commencent à peine à s’esquisser, à se tisser dans la démocratie perdue. De la place de la République émanait ainsi non seulement de la bravoure, mais également des enseignements : de la peur naît le courage ; de l’oppression naît le désir de liberté ; de la dictature naît la résistance ; du désespoir naît l’espoir. Les Algériens, absents de la scène publique pendant 20 ans, bien malgré eux, ont montré qu’ils demeuraient un peuple combatif.
Rêve de démocratie
Ce peuple, on l’a dit mort – il a su prouver sa bonne vitalité. On l’a dit léthargique et inerte – il a prouvé sa fougue. On l’a dit non civilisé – il a su donner une leçon de civisme au monde, grâce à ces manifestations pacifiques aspirant à la démocratie. Manifestations de visages étincelants, de postures droites, déterminées à empêcher la mascarade électorale. L’occasion, également, d’accuser sévèrement le système et le pouvoir d’avoir pillé les richesses du pays et appauvri le peuple.
Indépendamment du verdict de la présidentielle, au soir du 18 avril, réélection de Bouteflika ou non, la victoire est déjà acquise : le peuple s’est réapproprié la rue. Il a identifié ses bourreaux afin de les défier en toute légitimité. En Algérie comme un peu partout où les manifestations ont eu lieu ces jours récents. Cette prise de conscience collective, qui l’emporte sur le mutisme et la passivité, rassure. Tout comme voir la fibre de la résistance survivre, chez les Algériens, y compris les jeunes, que l’on croyait perdus et manipulés – et qui se sont au contraire unis pour empêcher l’absurde d’arriver.
Dimanche dernier, en plein cœur de Paris, on les a entendu fredonner des chants aux paroles « antisystème ». Comme si cette jeunesse voulait nous rappeler sa misère et son malaise, souhaitait rendre hommage aux « harragas » (les « brûleurs de frontières », ces Algériens fuyant leur pays pour aller chercher du travail) qui meurent chaque jour dans l’océan. Dans son ensemble, le peuple a prouvé qu’il était le seul héros ; qu’il restait debout malgré ce qu’il a enduré, entre la décennie noire et la dictature. Qu’il continuait de rêver, tout simplement, de démocratie.

Mounira Elbouti est doctorante et enseigante à l’IMT Business School. Elle s’intéresse à l’analyse de l’évolution des sociétés maghrébines post-« printemps arabe » et s’est spécialisée dans les questions de genre, de leadership et de transformation digitale. Elle a déjà collaboré avec le HuffingtonPost Maghreb, Le Mondafrique, Tunis Hebdo et Liberté Algérie.