Un rapport de la CIA pointe pourtant la responsabilité du prince héritier saoudien dans le meurtre du journaliste.
Lorsqu’il était candidat à la présidence des États-Unis, Joe Biden avait promis de faire de l’Arabie saoudite un État « paria », pour l’assassinat, le 2 octobre 2018, du journaliste et dissident saoudien Jamal Khashoggi. Maintenant qu’il est à la Maison Blanche, le président démocrate a, au moment d’adresser des sanctions au prince héritier saoudien – dont un rapport de la CIA, déclassifié et publié la semaine dernière, estime qu’il doit être tenu pour responsable du meurtre –, revu ses intentions à la baisse.
Contrepoids
« La perception de Joe Biden des intérêts stratégiques des États-Unis a prévalu, explique l’agence de presse américaine Associated Press (AP). L’administration américaine a clairement indiqué vendredi qu’elle renonçait à des sanctions ou à toute autre peine majeure contre le prince héritier saoudien, Mohammed ben Salman, dans l’assassinat de Khashoggi, même après qu’un rapport des services de renseignement américains a conclu que le prince l’avait ordonné ».
Convient-il de rappeler que l’Arabie saoudite, le géant mondial du pétrole et client préféré des États-Unis – s’agissant des ventes d’armes notamment -, a une place particulière dans la diplomatie américaine ? Riyad fait par exemple office de contrepoids à l’Iran – sa bête noire – au Moyen-Orient, un statut que l’ancien locataire de la Maison Blanche, Donald Trump, n’a eu de cesse de renforcer lors de sa présidence. « Il est indéniable que l’Arabie saoudite est un pays extrêmement influent dans le monde arabe », a d’ailleurs déclaré le porte-parole du département d’État américain, Ned Price, lundi.
Succession
« En fin de compte, l’administration Biden a estimé que l’intérêt fondamental de Washington, dans son rapport avec le royaume saoudien, interdisait de faire du jeune prince un paria, celui-ci pouvant être amené à diriger le pays pendant des décennies, ajoute AP. Cela contraste fortement avec la promesse électorale de Biden de faire payer au royaume ‘‘le prix’’ des violations des droits humains et ‘‘d’en faire le paria qu’il est’’ ».
Des groupes de défense des droits humains et les quelques dissidents saoudiens en exil qui osent encore parler affirment que les États-Unis font là une erreur, rapporte également l’agence de presse. Ils affirment ainsi que les actions du prince héritier, au cours de ses cinq premières années au pouvoir, montrent qu’il n’a que faire des normes internationales, quelles qu’elles soient. La renonciation aux sanctions contre Mohammed ben Salman envoie également un signal aux Saoudiens sur la succession, à la mort du roi Salman, estiment-ils.
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Crédits photo : Joe Biden, le 4 février dernier, lors d’un discours sur la politique étrangère des États-Unis (AP Photo/Evan Vucci).
