Le président syrien a désormais repris la quasi totalité de la Ghouta orientale. Et ne devrait pas s’arrêter là.
Il voulait absolument réduire au silence le feu rebelle ; Bachar al-Assad est en passe de remporter son pari. Le président syrien ne va pas tarder à remettre la main sur l’un des derniers fiefs d’opposition syriens, la Ghouta orientale – à l’est de Damas -, assiégée depuis cinq ans par le pouvoir. Ceci grâce à l’appui de son allié russe – qui a mis à disposition du chef de l’Etat syrien son aviation – mais également à l’ « accord final » conclu avec le groupe rebelle Jaich al-Islam, pour évacuer les combattants qui tenaient la ville de Douma – l’ultime bastion insurgé dans la Ghouta -, a annoncé hier l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
D’après l’ONG, l’accord prévoit ainsi que les rebelles et leurs familles, mais également d’autres civils – ceux qui le souhaitent – évacueront vers des territoires insurgés dans la province d’Alep, dans le nord du pays. Une information confirmée par le quotidien syrien prorégime Al-Watan, qui cite des « sources diplomatiques » pour ajouter que les rebelles devront laisser sur place l’artillerie lourde – qui tomberont donc dans l’escarcelle des forces armées syriennes. Si le groupe Jaich al-Islam n’a toujours pas réagi à cette annonce, ce sont quelque 1 300 personnes – militaires et civiles – qui devraient quitter Douma dans les prochains jours.
« Nid de djihadistes »
Ce que le régime espère, d’après CNN, c’est que l’accord fasse « pression sur les autres principaux groupes rebelles qui contrôlent les deux autres poches de la Ghouta orientale. » Car les populations survivent dans des conditions extrêmement difficiles, parfois sans eau ni électricité, avec un repas par jour – voire se nourrissant d’aliments pour bétail, rapportait Le Monde il y a quelques jours. Quant aux moyens de santé, ils s’amenuisent au fur et à mesure que les forces prorégime avancent dans la Ghouta, les hôpitaux fermant les uns après les autres. Une situation globalement alarmante qui aurait forcé les rebelles à contracter avec les Russes.
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C’est, ainsi, le troisième accord de ce type passé entre le clan Assad et les rebelles, après plus de cinq semaines de bombardements et d’offensives terrestres – ayant coûté la vie à plus de 1 600 personnes. Et ces dix derniers jours, plus de 45 000 personnes, dont un quart de combattants, ont rejoint les territoires rebelles d’Idlib, au nord-ouest du pays, laissant près de 95 % du territoire de la Ghouta orientale au régime de Bachar al-Assad, selon l’OSDH. Le président syrien, d’ailleurs, compte bien ne pas s’arrêter là, puisque selon le New York Times, Idlib « devrait être la prochaine cible » – le gouvernement percevant la région comme un « nid de djihadistes ».
Sentiment de défaite
Se pose alors très clairement un dilemme, pour les habitants de la Ghouta orientale qui n’ont pas encore quitter la région : rester, tout en craignant que l’armée syrienne les enrôle de force, ou s’enfuir, quitte à risquer d’essuyer des bombardements ? « Très difficile à trancher » reconnaissait Maria al-Abdeh, une directrice d’ONG active dans la Ghouta, citée par Le Monde. « Rester c’est s’exposer au risque que le régime change d’avis et décide de vous arrêter. Partir à Idlib, c’est s’exposer à de nouveaux bombardements. Juste hier [jeudi], 34 personnes – dont 13 enfants – sont mortes dans un tir de roquettes contre un marché, dans la ville de Harem. »
Pour rappel, fin février, le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) est tant bien que mal parvenu à adopter une résolution pour mettre en place un cessez-le-feu de 30 jours consécutifs dans la Ghouta orientale. Resté, depuis, lettre morte. Une inertie internationale que nombre d’observateurs – au premier rang desquels les ONG et associations humanitaires – ont ensuite critiquée ; « la plupart des Syriens ont le sentiment que leurs vies sont détruites et que le monde entier les a abandonnés » a par exemple affirmé Fanny Petitbon, responsable chez Care France. Une sorte de fatalité et un sentiment de défaite qui, à coup sûr, font les affaires de Bachar al-Assad.
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