Syrie : humanitaire et reconstruction au cœur des défis politiques

« Les enjeux économiques en Syrie diviseront la communauté internationale », estime Sébastien Boussois.

Du 29 au 31 mars derniers, se tenait la 5ème Conférence des donateurs pour la Syrie à Bruxelles (Belgique). Près de 80 pays étaient représentés, lors de cette réunion virtuelle, où il fut question, notamment, de la situation humanitaire sur place, non seulement dramatique, mais dans un statu quo compliqué pour tous les Syriens au quotidien. Pour le dire vite : plus vraiment de guerre, mais pas pour autant de paix.

En Syrie, aujourd’hui, 13 millions de personnes sont dans le besoin, sans compter les 10 millions de réfugiés qui ont dû fuir leur pays. Les djihadistes de Daech [acronyme arabe de l’organisation État islamique (EI), ndlr] résistent encore à Idlib et s’agitent dans le camp de Al-Hol, tandis que Bachar al-Assad n’a plus la main sur ses propres frontières et voit son pays sujet à de multiples ingérences extérieures – proches ou lointaines. Pour autant, il reste le dirigeant de la Syrie, avec le soutien décisif de la Russie d’un Vladimir Poutine qui divise quiconque souhaiterait venir en aide au pays.

Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies (ONU), le rappelait à l’occasion de cette rencontre virtuelle : « La guerre en Syrie n’est pas seulement celle de la Syrie. Y mettre fin, et les terribles souffrances qu’elle continue de causer, est notre responsabilité collective. » Oui, mais à quel prix ?

Il est urgent d’apporter avant tout un soutien à la population syrienne, avant de s’inscrire au plus vite dans le processus de reconstruction – mais quid, déjà, des sanctions qui touchent principalement cette population ? Or, on le sait, les logiques ne sont pas les mêmes. Souffrant d’une vraie division en son sein – notamment sur la position à adopter, face à Bachar al-Assad, une fois les questions humanitaire et des sanctions réglées -, cette 5ème Conférence des donateurs a tout de même enregistré un succès. Puisqu’elle a permis de récolter quelque 6,4 milliards de dollars, qui serviront à apporter un soutien significatif aux populations avant tout, puisque la reconstruction, pour l’instant, relève d’un engagement plus complexe.

Enjeux régionaux

Alors que nous commémorions récemment les dix ans de la guerre civile syrienne – qui a fait près de 400 000 morts -, Bachar al-Assad a repris le contrôle de près des trois-quarts de son pays – c’est un fait. Mais un pays en ruines dont la situation continue de rendre les Occidentaux perplexes. Soutenir les Syriens, est-ce apporter son soutien au président syrien ? Qui plus est quand des intérêts économiques colossaux sont pressants, et que Russes et Émiratis, par exemple, n’ont de cesse d’appeler à une normalisation des relations avec Al-Assad, alors que nombre de chancelleries européennes rêvaient encore il y a quelque temps de nouveaux dirigeants à la tête du pays.

On sait d’ailleurs que les Émirats arabes unis sont présents depuis de longs mois dans le pays pour relancer le business sur place. Pour autant, le pays arabe qui a le plus contribué lors de la Conférence des donateurs, n’en reste pas moins… le Qatar, résolument opposé à Bachar al-Assad depuis le début. Les enjeux régionaux à venir sur la reconstruction promettant d’être gigantesques.

En attendant, ce sont bien les pays de l’Union européenne qui ont le plus mis la main à la poche. Près de 2 milliards de dollars pour l’Allemagne, 656 millions de dollars pour la France, puis 282 millions de dollars pour le Royaume-Uni. Viennent ensuite le Qatar, donc, qui a promis près de 100 millions de dollars, puis le Canada, avec 49,5 millions de dollars. C’est une première étape. Un moyen pour la communauté internationale de « compenser » son impuissance pendant une décennie à l’égard des Syriens. A commencer par l’Union européenne.

Mais comme lors de la reconstruction de l’Irak, les enjeux économiques pèseront bientôt davantage, risquant de diviser un peu plus encore cette communauté internationale, entre ceux qui s’engageront économiquement en Syrie et les autres. Bachar al-Assad sera pourtant toujours là.  

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