Autour de la planète, les enfants subissent les conflits « à une échelle effroyable »

Il existe, selon l’ONU, six types de violations des droits de l’enfant en temps de guerre.

Le cri d’alarme touchera-t-il les consciences concernées ? Dans une note publiée fin septembre, intitulée Six violations graves à l’encontre des enfants en temps de guerre, l’agence des Nations unies (ONU) chargée de l’enfance (UNICEF) a souhaité alerter sur le quotidien des très jeunes populations touchées par les conflits. Le constat est sans appel. « Qu’il s’agisse de meurtres, de mutilations, d’enlèvements et de violences sexuelles à grande échelle, de recrutement dans les groupes armés, de grèves dans les écoles et les hôpitaux, ainsi que d’installations d’approvisionnement en eau, les enfants vivant dans des zones de conflit dans le monde entier continuent de subir des attaques à une échelle effroyable » pointe du doigt l’UNICEF.

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Selon l’agence onusienne, actuellement, un enfant sur quatre vit dans un pays touché par un conflit ou une catastrophe, l’année 2017 ayant vu une recrudescence du « nombre de violations avérées à l’encontre des enfants dans ces régions ». Ceci alors que le droit international humanitaire exige « de prendre des mesures pour protéger les civils, notamment les enfants […] particulièrement vulnérables en temps de guerre. » Des précautions que certaines forces armées, à travers la planète, n’observent visiblement pas, s’exposant de fait aux sanctions du Conseil de sécurité de l’ONU. En 2005, dans sa résolution 1612, celui-ci a effectivement mis en place un mécanisme de suivi concernant six types de violations des droits de l’enfant en temps de guerre.

1. Meurtre et mutilation d’enfants

Depuis 2010, renseigne l’UNICEF, le nombre de cas vérifiés par les Nations unies d’enfants tués ou mutilés « a considérablement augmenté. Rien qu’en 2017, l’ONU a vérifié plus de 10 000 cas d’enfants tués ou mutilés dans des conflits » renseigne l’UNICEF. Des atteintes manifestes à leurs droits qui « ont contribué à l’augmentation globale du nombre d’enfants touchés par les combats dans le monde » l’an dernier. L’agence onusienne de s’attarder sur les cas de la Syrie, du Soudan du Sud et du Yémen, notamment, où « un mépris croissant pour les règles de la guerre et une violence aveugle » alimentent des chiffres déjà inquiétants. En août dernier, par exemple, un raid aérien conduit par la coalition saoudienne qui combat les rebelles Houthis au Yémen a tué 40 enfants.

2. Recrutement et utilisation d’enfants par les forces armées ou les groupes armés

On les appelle les « enfants-soldats ». D’après l’UNICEF, ils sont « des dizaines de milliers de filles et de garçons […] recrutés et utilisés dans les conflits » autour de la planète. Et nombre d’entre eux ont été « pris de force, tandis que d’autres y ont adhéré en raison de pressions économiques ou sociales ». Car « les enfants déplacés ou vivant dans la pauvreté sont encore plus vulnérables au recrutement », précise l’agence onusienne, qui souhaite attirer l’attention sur le « niveau alarmant » du nombre de cas avérés de recrutement d’enfants. Notamment en Somalie (2 127), au Soudan du Sud (1 221), en Syrie (961) et au Yémen (842). En juin dernier, on apprenait ainsi que le groupe Etat islamique (EI) formait des « enfants kamikazes » pour les envoyer en Europe commettre des attentats.

3. Attaques contre des écoles ou des hôpitaux

D’après l’UNICEF, « les attaques contre les écoles et les hôpitaux pendant les conflits sont devenues une tendance croissante et alarmante. » Des attaques qui vont de la destruction partielle ou totale d’écoles ou d’installations médicales, à l’utilisation militaire de bâtiments et aux attaques contre le personnel. Un cercle vicieux, puisque les enfants, qui n’ont ainsi aucun accès à l’éducation et aux soins, sont susceptibles de rejoindre des combattants qui leur promettent d’améliorer leur situation. Comme au Soudan du Sud par exemple. « La situation […] est très difficile d’un point de vue économique. Dans de nombreux cas, les enfants rejoignent les groupes armés parce qu’ils ont besoin de survivre et veulent avoir un repas quotidien », expliquait en avril dernier le porte-parole de l’UNICEF dans ce pays.

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4. Viols ou autres violences sexuelles à l’égard des enfants

A la différence des 5 autres cas d’atteinte aux droits de l’enfant pointés par l’ONU en 2005, les violences sexuelles à leur égard constitue « un problème particulièrement peu signalé, regrette l’UNICEF. Mais il est clair que cette violation reste trop courante et que les filles comme les garçons courent un risque. » Dans certains cas, les violences sexuelles demeurent utilisées pour humilier intentionnellement une population, ou pour forcer les gens à quitter leur foyer, précise l’agence onusienne. Il s’agit, la plupart du temps, de viol, d’esclavage sexuel ou de traite, de mariage, grossesse ou stérilisation obligés. L’an dernier, la journaliste et réalisatrice de documentaires Manon Loizeau, avait mis en images le témoignage de victimes de viols, en Syrie, où le régime de Bachar al-Assad semble faire des abus sexuels une arme de guerre secrète.

5. Enlèvement d’enfants

En 2017, le nombre d’enlèvements d’enfants a augmenté de 70 % dans le monde. Les zones les plus touchées par le phénomène, évidemment, restent les pays en guerre, où « les enfants sont souvent capturés ou emmenés contre leur gré, temporairement ou définitivement, et sont victimes d’exploitation ou d’abus » indique l’UNICEF dans sa note. Mais également « d’autres violations graves, comme le meurtre, la mutilation, la violence sexuelle ou le recrutement dans des groupes armés. » En Somalie, par exemple, les Shebab (« jeunes » en arabe), un groupe islamiste armé, ont enlevé plus de 1 600 enfants, l’an dernier, « dans le but d’accroître leurs rangs en utilisant des garçons et des filles dans des rôles de combat et de soutien. »

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6. Refus de l’accès humanitaire aux enfants

Dans les zones de guerre, dans la plupart des cas, les parties aux conflits sont pointées du doigt parce qu’elles empêchent (sciemment) l’acheminement de l’aide humanitaire, en refusant aux « acteurs humanitaires l’accès à ceux qui en ont besoin ou empêchent l’aide d’atteindre les populations civiles. » Ces derniers peuvent également se voir refuser l’aide lorsque les travailleurs humanitaires sont pris pour cibles ou traités comme des menaces par les belligérants. « En Syrie, par exemple, […] les restrictions imposées aux évacuations sanitaires et le meurtre de personnel médical font que l’accès aux soins de santé vitaux pour de nombreux civils diminue jour après jour. » Ceci alors que l’armée syrienne se prépare à reprendre l’un des derniers bastions rebelles du pays, dans la région d’Idlib, et qu’un drame humanitaire, avant la mise en place d’une zone de désescalade, était envisagé.

 

« Mesures ciblées et calibrées »

Au Yémen, où l’on assiste, selon l’ONU, à la « pire crise humanitaire du monde », le Conseil des droits de l’Homme (CDH) des Nations unies vient quant à lui de décider de la prolongation d’une enquête sur les violations des droits humains. Celle-ci avait débuté l’an dernier, sans toutefois que les experts n’aient pu finir leur travail, ont notamment fait savoir l’Union européenne (UE) et le Canada, deux des « parrains » de la résolution du CDH. Directement mis en cause, « le gouvernement du Yémen, les forces soutenues par la coalition [saoudienne], ainsi que les forces houthies » – soutenues de leur côté par l’Iran -, sont sérieusement soupçonnés d’utiliser des enfants « pour participer activement aux hostilités », selon un rapport du CDH publié en août dernier.

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Créé par la résolution 1612 du Conseil de sécurité de l’ONU, le Groupe de travail sur les enfants et les conflits armés examine les rapports du mécanisme de suivi onusien des cas de violations des droits de l’enfant. Il formule ensuite des recommandation à l’attention des parties aux conflits, des Etats membres de l’ONU ainsi que du Conseil de sécurité, sur la manière de protéger au mieux les enfants. Ce qui peut déboucher sur tout type de « mesures ciblées et calibrées », comme des sanctions – gel du commerce des armes dans les pays qui ne respectent pas les droits de l’enfant, par exemple. En 2013, déjà, le secrétaire général de l’ONU présentait le premier rapport consacré aux droits de l’enfant au Yémen, dans lequel il relevait les 6 cas de violations prévus par la résolution 1612. La situation, 5 ans plus tard, n’a pas changé.

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