Au Yémen, une « guerre meurtrière et détestable »

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02.11.2017

Les rebelles Houthis ont accusé l’Arabie saoudite d’être responsable d’une attaque aérienne qui a fait 29 morts.

Au Yémen, le conflit qui oppose depuis plus de dix ans forces pro-gouvernementales et rebelles Houthis – issus de la minorité zaïdite, une branche du chiisme – continue de faire des victimes par dizaines. Mercredi 1er novembre, 29 personnes ont été tuées et 17 blessées dans un raid aérien au-dessus de Sahar, dans le nord du pays, selon un responsable des services de santé houthiste. L’attaque, perpétrée par l’aviation saoudienne, d’après l’agence de presse Saba – tenue par les rebelles –, visait un marché populaire situé dans cette sous-préfecture de la province de Saada, place forte des Houthis. Et rappelle à quel point la situation au Yémen, que l’on dit parfois « oubliée », est inquiétante.

Enquête internationale

En mars 2015, Riyad, à la tête d’une coalition de pays arabes soutenue par les Etats-Unis, comprenant notamment les Emirats arabes unis et l’Egypte, est entrée officiellement dans le conflit en bombardant certaines zones rebelles, afin de prêter main forte aux forces loyalistes, de confession sunnite. L’Iran, qui soutient en sous-main les forces rebelles, avait à l’époque dénoncé une « agression militaire » et une « démarche dangereuse ». Depuis, le conflit qui éclabousse le jeune pays du sud de la Péninsule arabique, créé en 1990, au départ « simple » conflit tribal et confessionnel interne, s’est transformé en théâtre d’opposition entre les deux puissances saoudienne et iranienne.

En deux ans de bombardements et de combats, les Nations unies (ONU) estiment que plus de 8 600 personnes ont perdu la vie, principalement des civils, et près de 60 000 ont été blessées. L’Arabie saoudite est à ce titre régulièrement soupçonnée de viser délibérément des populations civiles, comme en 2015, où plus de 130 personnes, dont des femmes et des enfants, ont été tuées dans le bombardement d’une salle où se déroulait un mariage. Le 5 septembre dernier, le haut-commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, le Jordanien Zeid Ra’ad Al-Hussein, a d’ailleurs réclamé l’ouverture d’une enquête internationale indépendante sur d’éventuelles violations des droits humains.

« Famine »

Selon lui, « une enquête internationale contribuerait grandement à avertir les parties au conflit que la communauté internationale observe la situation et est déterminée à traduire en justice les auteurs des violations. » Jusqu’à présent, seule une commission nationale avait été instaurée pour connaître des cas d’atteintes aux droits de l’Homme ; seul point noir : elle n’est pas reconnue par l’ensemble des belligérants et ne peut donc pas « fournir des rapports complets et impartiaux sur la situation ». Une situation qui devrait évoluer avec la création d’un mécanisme d’enquête internationale sur les crimes de guerre commis au Yémen, le 29 septembre, permettant à l’ONU de dépêcher, pour au moins un an, des experts internationaux sur le terrain.

En attendant, Arabie saoudite et Iran se renvoient constamment la responsabilité de la dégradation de la situation yéménite. Au chef de la diplomatie saoudienne, Adel Al-Jubeir, qui affirmait, dimanche dernier, que « les rebelles n’auraient pas pu poursuivre leurs exactions sans le soutien du plus grand parrain mondial du terrorisme qu’est le régime iranien », le porte-parole de la diplomatie iranienne, Bahram Ghassemi, a rétorqué que « l’Iran a condamné dès le début l’agression [contre le Yémen] et […] fera tout pour arrêter cette guerre meurtrière et détestable ». Pour ce dernier, « les fausses accusations [ne feront] pas baisser la responsabilité […] de ceux qui ont commis des crimes hideux [et réduit] la population à la famine ».

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