Alors que Beyrouth mise beaucoup sur l’export du cannabis, l’attentisme étatique dans ce dossier menace déjà ce juteux marché.
Face au succès rencontré par le cannabis thérapeutique dans le monde, et particulièrement en Amérique du Nord, le Liban envisage de légaliser la production de la plante sur son territoire. Ce dernier détient en effet la quatrième réserve de la planète.
Cette volonté du gouvernement découle directement des difficultés rencontrées par le pays du Cèdre, dues notamment à l’afflux massif de réfugiés en provenance du voisin syrien; gangrené par la guerre civile depuis maintenant huit longues années. Un contingent représentant désormais un quart de la population et pesant de facto sur l’économie domestique.
Une véritable mine d’or
Dans les faits, le cabinet de conseil international, McKinsey & Cie – chargé par les autorités de préparer un plan de relance économique – a également pesé sur ce revirement. Et cela, en préconisant, entre autres, l’instauration de régions dédiées à la culture de la substance à des fins médicales et dans un cadre légal.
Le président Aoun ferait donc double recette dans ce dossier. Car le cannabis toujours prohibé par les textes, fait le bonheur du commerce parallèle et des réseaux mafieux. En conséquence, l’exploitation de ces champs extrêmement fertiles profiterait directement aux caisses de l’Etat; une manne financière qui pourrait atteindre 500 milliards d’euros chaque année, estiment les experts. Ce qui est loin d’être négligeable.
Une communication étatique à double tranchant
Pour autant, cette mesure tarde malheureusement à voir le jour… au grand dam des agriculteurs libanais qui se sentent trahis. Une situation figée que ne manque pas de fustiger Talal Chreif, président du conseil municipal de Yammouné (plaine de la Békaa), auprès de L’Orient Le Jour :
« Cette proposition est restée sans suite. Nous avons vu beaucoup plus de journalistes que d’officiels venir chez nous pour s’enquérir de notre sort (…) Depuis deux ans, (c’est bien simple), les cultivateurs n’arrivent pas à écouler la marchandise. Ils l’emmagasinent dans leurs granges par manque d’acheteurs et du coup il plantent moins. Cela est dû aux mesures sécuritaires strictes (appliquées par les) douanes maritimes et aériennes. (Mais aussi) à la situation en Syrie où le trafic par voie terrestre est devenu bien plus cher. Résultat : l’offre est devenue plus importante que la demande et les prix du cannabis, dont 80 % est destiné à l’exportation, ont chuté pour atteindre l’an dernier 150 dollars le kilo. De plus, la marchandise de l’année dernière, tout comme celle de 2016, n’est toujours pas écoulée et attend dans les granges des agriculteurs. (Enfin), comme tout bien périssable, la résine de cannabis ne peut pas être stockée éternellement. Au bout de quatre ou cinq ans, elle n’est (donc) plus bonne à la consommation », explique ainsi l’intéressé.
Beyrouth va-t-il continuer à laisser pourrir cette problématique schizophrénique ?
A suivre…
