« Notre nation connait un tournant dangereux qui pourrait menacer sa survie », a-t-il averti dimanche.
Le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a annoncé sa démission, dimanche 2 janvier, dans un contexte d’impasse politique et de vastes manifestations en faveur de la démocratie, à la suite d’un coup d’État militaire qui a fait dérailler la fragile transition du Soudan vers un régime démocratique.
M. Hamdok, ancien fonctionnaire des Nations unies (ONU), considéré par beaucoup comme le visage civil du gouvernement de transition soudanais, avait été rétabli dans ses fonctions de Premier ministre en novembre dernier, dans le cadre d’un accord avec les militaires après le coup d’État d’octobre. Dans l’intervalle, il n’avait pas réussi à nommer un cabinet, et sa démission plonge le Soudan dans l’incertitude politique sur fond de défis sécuritaires et économiques de taille.
Isolement international
Dans une allocution télévisée, dimanche, M. Hamdok a appelé à un dialogue pour convenir d’une « charte nationale » et « tracer une feuille de route » pour achever la transition vers la démocratie, conformément au document constitutionnel de 2019 régissant la période de transition.
« J’ai décidé de rendre la responsabilité du pouvoir et de déclarer ma démission en tant que Premier ministre », a-t-il déclaré, ajoutant que son retrait laisserait une chance à une autre personne de diriger la nation et de terminer sa transition vers un « pays civil et démocratique. » Il n’a pas nommé de successeur.
Le désormais ex-Premier ministre du Soudan a précisé que ses efforts pour combler le fossé grandissant et régler les différends entre les forces politiques avaient échoué. Il a prévenu que l’impasse politique actuelle, depuis la prise du pouvoir par les militaires, pourrait se transformer en une véritable crise et porter atteinte à l’économie déjà malmenée du pays.
« J’ai essayé autant que possible d’empêcher notre pays de sombrer dans le désastre. Aujourd’hui, notre nation traverse un tournant dangereux qui pourrait menacer sa survie si l’on n’y remédie pas de toute urgence », a déclaré Abdallah Hamdok.
Le coup d’État d’octobre avait bouleversé les plans du Soudan pour intaller la démocratie, après qu’un soulèvement populaire a forcé l’armée à renverser l’autocrate de longue date, Omar el-Béchir, et son gouvernement islamiste en avril 2019.
Quatre mois après l’éviction de celui-ci, les généraux et les manifestants ont conclu un accord de partage du pouvoir pour diriger le pays jusqu’aux élections de 2023. Cependant, les liens entre militaires et civils ont été effilochés par la prise de pouvoir militaire qui a menacé de replacer le Soudan dans un isolement international.
Forte répression
La démission de M. Hamdok intervient dans un contexte de forte répression sécuritaire contre les manifestants, qui dénoncent non seulement la prise de pouvoir, mais aussi l’accord qui a suivi et a permis de réintégrer le Premier ministre dans ses fonctions – sous la pression internationale -, tout en mettant à l’écart le mouvement pro-démocratique. La question qui se pose, dorénavant, est de savoir si le gouvernement technocratique, ou d’union nationale, promis par ces accords, verra ou non le jour.
Les Forces pour la déclaration de la liberté et du changement, un groupe de coordination des partis politiques soudanais et des organisations pro-démocratiques, ont rejeté l’accord de novembre et restent déterminées à mettre fin au régime militaire. L’alliance a accusé M. Hamdok de permettre aux militaires de dominer le gouvernement et a continué à organiser des manifestations de rue contre le coup d’État, qui ont fait l’objet d’une forte répression.
Le département d’État américain a exhorté sur Twitter les dirigeants soudanais à « mettre de côté leurs divergences, à trouver un consensus et à assurer le maintien d’un régime civil » à la suite de la démission de M. Hamdok. Il a également demandé que la nomination du prochain Premier ministre et de son cabinet soit « conforme à la déclaration constitutionnelle [de 2019] afin de répondre aux objectifs de liberté, de paix et de justice du peuple. »
Quelques heures avant le discours de démission de M. Hamdok, les forces de sécurité soudanaises ont violemment dispersé les manifestants pro-démocratie, tuant au moins trois personnes, selon le Sudan Doctors Committee, qui fait partie du mouvement pro-démocratie. Depuis le coup d’État d’octobre, près de 60 Soudanais ont été tués lors de manifestations, et des centaines de personnes blessées.
Crédits photo : Le Premier ministre soudanais, Abdalla Hamdok, prend la parole lors d’une session du sommet de soutien au Soudan, au Grand Palais Ephemere à Paris, le 17 mai 2021 (AP Photo/Christophe Ena).