« L’Algérie devrait traiter tous les migrants avec respect et décence »

Le pays enregistre environ 500 tentatives d’entrées illégales de migrants subsahariens par jour.

L’Algérie enregistre quelque 500 tentatives quotidiennes d’entrées illégales de migrants subsahariens, a indiqué le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Nouredine Bedoui, jeudi 30 mars dernier devant le Sénat. Interrogé sur les mesures prises par le gouvernement algérien pour la prise en charge de ces personnes, celui-ci a alors révélé que « les pouvoirs publics, en collaboration avec les corps de sécurité combinés, notamment les forces de l’Armée nationale populaire, stationnées aux frontières, font face à ce phénomène, ce qui a permis de réduire le flux de migrants clandestins en Algérie, en tant que mesure préventive ».

Le ministre a par ailleurs fait savoir que les enquêtes menées par les services algériens avaient démontré que des réseaux criminels encourageaient l’entrée de migrants sur le territoire national, dont plusieurs avaient été démantelés. Et tout comme lors de ses récentes sorties, il a défendu la stratégie algérienne adoptée pour traiter le phénomène. À savoir « en respectant les droits de l’Homme » et conformément aux traités internationaux ratifiés par l’Algérie et à la législation du pays. Ce qui ne l’a pas empêché de militer de nouveau pour le droit légitime de l’Algérie de veiller à sa sécurité. Jetant ainsi le trouble sur les intentions réelles de l’Etat.

« Rafles » de migrants

Pour mémoire, en juin 2017, Nouredine Bedoui avait évoqué un projet de fichier de recensement des migrants pour étudier « la possibilité de leur emploi dans des chantiers de construction, entre autres, considérant que l’Algérie a un besoin de main-d’œuvre dans certains domaines ». A l’inverse, plus de 27 000 migrants ont été expulsés d’Algérie ces trois dernières années, quand plusieurs dizaines de milliers vivent encore sur le territoire algérien, obligés de se cacher pour travailler. A Alger, il n’est pas rare d’assister à des « rafles » de migrants par les autorités, notamment dans les chantiers employant ces personnes de manière clandestine.

Des vagues d’arrestations avaient déjà eu lieu en octobre 2017 et, avant cela, en décembre 2016 ; les migrants avaient été arrêtés par les forces de l’ordre par groupes, dans la rue ou sur des chantiers. Et beaucoup d’entre eux avaient été transportés dans un centre situé à Zeralda, en périphérie de la capitale, avec des conditions de vie plus que précaires. Plusieurs rapports de Human Rights Watch (HRW) et d’Amnesty International accusent d’ailleurs l’Algérie d’expulser de manière arbitraire les migrants. L’un d’entre eux fait même état de plus d’une centaine de personnes abandonnées à quelques kilomètres de la frontière et du désert malien, début mars.

Droit d’asile 

Laissées à la merci des passeurs et des groupes armés qui contrôlent la zone, certains d’entre eux se sont ainsi fait dépouiller de leurs effets personnels, a rapporté HRW il y a quelques jours« Des groupes armés liés à Al-Qaïda opèrent dans le nord du Mali, ainsi que des organisations criminelles et des passeurs armés » renseigne en effet l’ONG. Et celle-ci de s’indigner : « Les autorités algériennes n’ont pas déterminé de manière appropriée le statut de ces migrants, y compris ceux qui auraient peut-être pu revendiquer le statut de réfugié, les privant de la possibilité de contester leur expulsion et de récupérer leurs économies et leurs possessions. »

A la place, donc, les migrants ont été expédiés par bus vers le sud du pays, dans un camp à Tamanrasset. Où, selon le responsable local du Croissant rouge algérien (CRA), Abdelhamid Bouzid, ils ont reçu une aide sanitaire et des vêtements ainsi que des couvertures. Pas suffisant, pour Sarah Leah Whitson, directrice Moyen-Orient et Afrique du Nord de HRW. « L’Algérie devrait traiter tous les migrants avec respect et décence, leur donner la possibilité de contester leur expulsion et ne pas les exposer au risque de subir un traitement inhumain » a-t-elle déclaré. Sauf que le droit d’asile, qui n’existe pas dans la Constitution, n’est accordé qu’au compte-gouttes en Algérie.

« La Constitution algérienne interdit déjà le renvoi forcé de réfugiés politiques (article 69) mais ne mentionne pas le droit de demander asile. Elle ne reconnait pas non plus le doit d’échapper à la persécution et à d’autres formes de graves atteintes, conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés.

Amnesty International demande à l’Algérie de protéger tous les migrants et les réfugiés contre les violences sans distinction liée à leur statut migratoire et traduire en justice les responsables de tels agissements dans le cadre de procès équitables sans qu’une condamnation à mort puisse être prononcée et veiller à ce que toute infraction à la législation sur la migration soit traitée comme une infraction administrative plutôt que pénale.

Amnesty International appelle également les autorités à transposer dans la législation nationale les dispositions de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et de son Protocole facultatif de 1967 ainsi que d’autres normes du droit international relatives à la protection des personnes qui ont besoin d’une protection internationale et d’accorder une protection aux réfugiés reconnus comme tels par le HCR. »

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