Le retour de l’épidémie est notamment dû à la guerre dans le pays, qui a détruit de nombreux réseaux d’égouts.
Comme si le pays, en guerre, ne souffrait pas déjà assez, le Yémen se prépare à affronter une « possible troisième vague de choléra ». D’après le Bureau des Nations unies (ONU) pour les Affaires humanitaires (OCHA), « le nombre de cas présumés de choléra a augmenté » dans le pays, et « L’OMS [Organisation mondiale de la santé, ndlr] fait état d’un nombre accru de présentations dans les établissements de santé. » Y compris, précise le communiqué de l’OCHA Yémen, « les cas graves qui nécessitent une observation plus poussée et certains décès. » Actuellement, 22 décès font d’ailleurs l’objet d’une enquête. Et depuis avril 2017, plus de 1,1 million de cas suspects de choléra et 2 310 décès – des enfants principalement – ont été signalés au Yémen. Ce qui représente tout de même 21 des 22 gouvernorats touchés. D’après le Bureau onusien, « l’épidémie est la plus grave jamais enregistrée ».
Prévisions météo
Raison pour laquelle avait lieu, au mois d’août, une vaste campagne de vaccination dans les zones à haut risque. Comme, par exemple, les gouvernorats d’Hodeïda (ouest) et d’Ibb (sud), où près de 400 000 personnes ont été vaccinées. « Avec l’appui de l’UNICEF, de l’OMS, de la Banque mondiale et de la GAVI Alliance [créée en 2000 pour développer la vaccination à grande échelle dans les pays pauvres, dont le principal donateur est la Fondation Bill et Melinda Gates, ndlr], la campagne de vaccination a permis d’atteindre une couverture vaccinale de 68 % » indique le communiqué. Insuffisant, cependant, pour l’OMS, qui « suggère que davantage d’activités de ciblage » soient menées. « Il s’agit notamment d’accroître les activités d’approvisionnement en eau et d’assainissement, de communiquer sur les risques, […] et d’ajouter d’autres districts prioritaires qui ont besoin de [vaccins] ».
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Ainsi, selon Mark Devlin, directeur des opérations de l’UNICEF, « pour nos collègues sur le terrain, c’est extrêmement important d’identifier par avance les zones susceptibles d’être frappées par l’épidémie. » Pour les aider, des chercheurs appartenant aux services météorologiques britanniques ont inventé un système permettant de prédire les futurs cas de choléra avec 4 semaines d’avance. Une carte combine les données de prévisions météo avec les informations concernant des zones à forte densité ; des zones marquées en rouge représentent les lieux où il faut s’attendre à une nouvelle épidémie. Et ce sont vers ces zones que les services de santé sont envoyés. Grâce aux données satellitaires, les experts sur le terrain peuvent ainsi avoir de l’avance sur l’épidémie. L’an dernier, lors de l’épisode épidémique, 50 000 cas étaient recensés par semaine. Cette année, le nombre a chuté à 2 500.
Conflit yéménite
La guerre au Yémen – entre une coalition de pays arabes qui épaule le gouvernement d’Abd Rabbo Mansour Hadi, en exil en Arabie saoudite, et les rebelles houthistes -, depuis 4 ans, a évidemment participé à cette explosion des cas de choléra. Les combats ont endommagé de nombreuses portions des réseaux d’égouts, dans les villes, et les fortes pluies, qui submergent ces réseaux, ont facilité la propagation de la bactérie du choléra. D’où l’importance des informations transmises par les chercheurs britanniques à l’UNICEF, qui distribue ensuite des kits d’hygiène dans les zones sensibles pour prévenir le développement de la maladie. L’an dernier, également, l’organisation s’était mobilisée pour répondre aux besoin de la population. Des doses de nourriture thérapeutique, des tablettes de chlore pour purifier l’eau des puits, ainsi que du matériel médical avaient été distribués. A destination, surtout, des enfants, principales victimes.
Gert Cappelaere, le directeur régional de l’UNICEF pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, avait d’ailleurs estimé, à l’époque, que le Yémen était « l’un des pires endroits au monde pour un enfant ». Un constat qui, en un an, n’a pas changé. Du fait de la résurgence de l’épidémie du choléra, mais également du conflit yéménite, toujours plus abject. La semaine dernière, une mission d’experts mandatés par le Conseil de sécurité de l’ONU indiquait par exemple que toutes les parties s’étaient rendues coupables de « crimes de guerre ». En utilisant notamment des enfants pour participer aux hostilités. Et dans leur rapport, les experts de mentionner « le cas d’un centre de traitement du choléra géré par MSF bombardé le 11 juin 2018, alors que sa position avait été communiquée à la coalition [saoudienne] à douze reprises ». Des pourparlers interyéménites doivent d’ailleurs avoir lieu jeudi pour tenter de mettre fin aux affrontements.
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