L’économie tunisienne entre instabilité et obstacles

La libération de l’économie est la mesure prioritaire pour restaurer la confiance et le développement, selon 28 % des Tunisiens.

L’économie tunisienne est l’une des plus compétitives dans la zone MENA (Middle East-North Africa), avec une main d’œuvre de qualité supérieure à celle de ses principaux pays concurrents et un taux d’alphabétisation de 96,66 %. En termes de gestion macroéconomique, elle a également fait preuve d’une réelle rigueur avant 2011 – la qualité de ses institutions publiques n’y étant pas étrangère. Le classement « Doing Business 2017 » la situant ainsi en 77ème position sur 190. Certes, elle a perdu deux places mais, comme le Maroc et l’Algérie, elle a amélioré son score absolu en matière de facilitation des affaires : suite notamment à l’adoption d’une réforme clé pour l’amélioration de son système d’évaluation de la solvabilité des emprunteurs, il est passé de 63,91 à 64,89 points.

Instabilité économique

D’autre part, selon le rapport Bloomberg Innovation Index 2017, la Tunisie occupe la 1ère place en Afrique dans le classement mondial des pays innovants. Un classement dont les critères autorisent quelques espérances : recherche et développement, valeur ajoutée manufacturière, productivité, haute technologie, efficacité du secteur tertiaire, concentration de chercheurs et activité de brevetage…

Par ailleurs, la Tunisie est marquée par le modèle classique des entreprises exportatrices : structures individuelles isolées et souvent familiales, ou de sous-traitance de grandes marques européennes. Ces entreprises souffrent généralement d’une consolidation inefficace, de non synchronisation des investissements des partenaires historiques et surtout l’Europe et de non-assistance de l’état. Les secteurs touchés sont les industries mécanique, textile et d’autres secteurs tels que les énergies renouvelables, la santé et pharmaceutique ainsi que l’agro-industrie.

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Les investissements directs étrangers (IDE) en Tunisie représentent 10 % des investissements productifs, génèrent le tiers des exportations et plus de 15 % du total des emplois. Selon les Nations unies (CNUCED), en 2015, la Tunisie a enregistré un stock d’investissements directs pour l’ensemble des secteurs de près de 33 milliards de dollars, soit 75 % du PIB. Selon la FIPA, l’agence chargée de la promotion des investissements tunisiens dans le secteur industriel, le stock d’IDE hors énergie, hors services financiers et hors distribution s’élève à 20 milliards de dinars tunisiens (soit 8,2 milliards de dollars) fin 2015.

La Tunisie souffre encore trop d’instabilité économique, y compris venant de l’administration qui reste mal formée, peu réactive, parfois défaillante. Les lourdeurs administratives sont un obstacle sérieux à l’installation d’entreprises étrangères. Par exemple, la hausse extraordinaire et rétroactive des impôts sur les bénéfices de 7,5 points a été très mal vécues par nombre d’entreprises tunisiennes ou étrangères. Ainsi la mesure a-t-elle pu mettre en péril les sociétés fragiles, tandis qu’elle perturbait les résultats et les prévisions des autres.

Sauver l’économie tunisienne

C’est un fait : la Tunisie connaît à la fois un chômage de masse, notamment des jeunes, des femmes et des diplômés, alors même qu’il manque des compétences dans les emplois de cadres supérieurs, cadres moyens et les métiers spécialisés. L’offre de formation publique, notamment universitaire, ne répond pas assez aux besoins du marché du travail. Par ailleurs, les possibilités de formation pour les chômeurs ne sont pas assez développées.

Il faut donc des institutions de formations, notamment de formation continue et de formation professionnelle, pour que l’industrie tunisienne trouve les cadres dont elle a besoin. Pour l’instant, les entreprises doivent assurer une part importante de la formation en interne, sauf que les gens ainsi formés ont tendance à trouver des emplois ailleurs, où leur qualification est fortement valorisée. Ce qui a clairement un effet désincitatif pour les entreprises et qui, in fine, maintient les entreprises dans une zone de « sous-qualification » et de « sous-qualité ».

L’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA) a publié, mardi, un sondage mené par Elka Consulting auprès des Tunisiens afin de connaitre leurs principales attentes sur le volet économique de la part des futurs élus. La libération de l’économie est la mesure prioritaire sur le court terme pour restaurer la confiance et le développement, selon 28 % des sondés. Arrive ensuite la réforme de l’école et de la santé pour 24 %, puis la création d’une caisse d’allocations directes aux plus démunis pour 20 %.

Pour rappel, une « trentaine de propositions concrètes et réalisables à court terme » visant à sauver l’économie tunisienne, actuellement en crise, ont été présentées, le 29 août dernier à Tunis, par les économistes Hakim ben Hammouda, Zouhour Karray et Houssem Eddine Chebbi. Il s’agit de 32 propositions formulées dans un livre bleu élaboré par 70 économistes tunisiens exerçant en Tunisie et à l’étranger, reconnus à l’échelle internationale par leurs compétences. Ou comment sauver l’économie tunisienne ?

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