La chute de Deir Ezzor entérine quasiment la disparition du territoire de l’Etat islamique, dont les combattants sont retranchés pour la plupart dans la zone frontalière entre la Syrie et l’Irak.
Mis à jour samedi 5 novembre – 13h40.
« L’armée annonce avoir pris le contrôle total de la ville de Deir Ezzor ». C’est par une phrase laconique que la télévision syrienne, se basant sur des sources présentes dans la ville – dont une ONG, l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH) –, a déclaré, vendredi 3 novembre, que le dernier grand bastion de l’Etat islamique (EI) en Syrie était tombé. Une information confirmée par l’agence de presse officielle Sana, qui rapporte de son côté que la ville a été « entièrement libérée ». Et partiellement détruite – à plus de 40 % selon la Banque mondiale. « Un journaliste collaborant avec l’AFP a constaté jeudi de nombreux dégâts dans les combats ou des façades entièrement détruites » renseigne France Info. « Les tranchées creusées par les djihadistes étaient encore visibles, tandis que des démineurs de l’armée tentaient de désamorcer les explosifs laissés par les combattants de l’EI ».
« Dimension diplomatique du conflit »
Avec la chute de Deir Ezzor, toutes les grandes villes de Syrie et d’Irak sous l’emprise de Daech (acronyme arabe de l’Etat islamique) sont à présent libérées ; le territoire de l’organisation, qui s’étendait il y a deux ans de Raqqa – sa « capitale » syrienne – à Mossoul – sa « capitale » irakienne –, a quasiment disparu. En Irak, c’est la cité d’Al-Qaïm qui a été reprise, dans le même temps, aux djihadistes. Pour Michael Knights, chercheur au Washington Institute for Near East Policy, cité par Challenges, les deux pays voisins, qui « attaquent le même ennemi », pourraient à présent reprendre la zone frontalière, en longeant l’Euphrate, d’ici « deux semaines ». D’après certaines sources militaires, une coopération entre les armées syrienne et irakienne devrait même se mettre en place.
L’EI est ainsi attaqué sur deux fronts : d’un côté, l’armée syrienne soutenue par la Russie et l’Iran ; de l’autre, les forces gouvernementales irakiennes soutenues par les Etats-Unis. S’y ajoutent les Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants majoritairement kurdes, supportée également par Washington. La question d’un territoire autogéré par la communauté kurde ne devrait d’ailleurs pas tarder à se poser. « La dimension diplomatique du conflit pourra reprendre afin de décider de l’avenir d’une entité kurde autonome au nord de la Syrie » indiquait en juin dernier l’écrivain Patrice Franceschi, engagé depuis trente ans pour la cause kurde. Problème : la Syrie comme la Turquie voient d’un mauvais œil l’avènement d’un Etat kurde.
« Insurrection des débuts »
Pour l’instant, toutes les forces sont engagées dans la bataille contre Daech. Car malgré les récentes victoires militaires, l’organisation n’a pas disparu, comme l’affirme le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis. Depuis leurs zones de retranchements, certes minces et désertiques, « ils vont essayer de mener des attaques pour déstabiliser les autorités localement et poursuivre les opérations extérieures et médiatiques » selon lui. « Soit en les organisant, soit en inspirant des assaillants à l’étranger pour conserver un vernis de légitimité ». Même son de cloche chez M. Knights, pour qui les djihadistes « sont revenus là où ils étaient en 2013 [et] vont reprendre l’insurrection des débuts », avant la proclamation du califat en juin 2014.
Samedi, un attentat à la voiture piégée, dans la ville de Deir Ezzor, a fait au moins 75 morts et 140 blessés, d’après le dernier bilan de l’OSDH. Les victimes sont des déplacés qui fuyaient les combats et s’étaient rassemblés dans une zone désertique contrôlée par les FDS.

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