Les origines du conflit au Yémen

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03.12.2017

L’ancien président, Ali Abdallah Saleh, apparaît comme l’un des éléments centraux des affrontements au Yémen, où Arabie saoudite et Iran s’écharpent à distance.

L’actualité au Yémen vient de s’emballer. Les Houthis, ces rebelles chiites qui luttent contre les forces pro-gouvernementales yéménites, ont récemment annoncé avoir tiré deux missiles coup sur coup. L’un frappant l’Arabie saoudite, l’autre les Emirats arabes unis, tous deux membres de la coalition militaire qui épaule l’actuel président, Abd Rabbo Mansour Hadi, depuis 2015. Dans le même temps, l’un de leurs soutiens de poids, l’ex-président yéménite Ali Abdallah Saleh, a appelé la population de Sanaa à se soulever contre les milices houthistes, qui se partagent depuis trois ans le contrôle de la capitale. Un acte de « trahison » pur et simple pour celles-ci, qui accusent M. Saleh de se tourner vers l’Arabie saoudite. Travelling arrière pour tenter d’y voir plus clair.

Tout part, comme bien souvent, d’un sentiment de marginalisation. En l’occurrence : celui éprouvé par la communauté zaïdite du Yémen – qui représente environ 30 % des musulmans du pays –, dont sont issus les houthistes, emmenés par leur leader, Abdul-Malik al-Houthi. En 2004, devant le traitement politique, économique et religieux qui leur est réservé, ces derniers se soulèvent au sein du gouvernorat de Saada, dans le nord-ouest du pays. Les rebelles estiment alors être l’objet de discrimination de la part de sunnites intégristes, qui se sont rapprochés du président, Ali Abdallah Saleh – premier chef d’Etat yéménite élu en 1999 –, grâce aux liens tissés par ce dernier avec l’Arabie saoudite.

« Printemps yéménite »

A l’inverse, Riyad et Sanaa accusent les houthistes de vouloir créer un véritable Etat chiite et d’obtenir, pour ce faire, le soutien de l’Iran, la bête noire du régime saoudien, qui supporte déjà le Hezbollah au Liban. Les autorités yéménites commencent donc à incarcérer, voire tuer, les principales voix de la rébellion. Et allument la mèche d’un conflit – appelé « guerre du Saada » –, tantôt ouvert, tantôt larvé, en tout cas jamais éteint depuis. Ceci en dépit de plusieurs tentatives pour mettre fin aux affrontements. Comme en 2005, où le gouvernement yéménite propose de gracier les rebelles Houthis en échange de l’arrêt des combats – ce que ces derniers refusent –, ou en 2007, lorsque le Qatar se pose en médiateur.

A la veille des révoltes dans le monde arabe, les six années de conflit yéménite ont fait environ 10 000 morts et plus de 200 000 déplacés, et l’UNICEF commence à dénoncer l’utilisation d’enfants-soldats par les houthistes ou des milices pro-gouvernementales. Une situation humanitaire critique à laquelle s’ajoutera une crise économique globale, à la suite du « printemps yéménite », avec des prix alimentaires qui augmentent de 40 %, ceux du gaz et du pétrole de 600 %, et un chômage qui bondit fortement. En 2012, Abd Rabbo Mansour Hadi succède au président Saleh, qui bien que déchu continue de peser sur le conflit au Yémen. De manière décisive ?

Situation humanitaire catastrophique

Fin 2014, les rebelles se rapprochent de plus en plus de la capitale, qu’ils parviennent à prendre totalement début 2015, provoquant ainsi le départ du chef de l’Etat. Une avancée déterminante qui, pour de nombreux observateurs, n’a pu se faire sans le soutien de l’ancien président, à qui l’on prête alors des velléités de reconquête du pouvoir. D’où l’impression éprouvée par les Houthis d’avoir été trahis, après que le parti de M. Saleh, le Congrès général du Peuple (CGP), a appelé samedi la population de Sanaa à se soulever contre eux. Une invitation louée du côté de l’Arabie saoudite, avec qui l’ex-président s’est dit prêt à coopérer, au grand dam de l’Iran.

Les deux puissances régionales s’affrontent sur le sol yéménite de manière interposée, la première soutenant les forces d’Abd Rabbo Mansour Hadi contre les avancées houthistes, bien aidées par les financements et les envois de matériel du second. Si le conflit au Yémen vient de prendre une tournure inattendue, son issue demeure encore incertaine. Une chose est sûre : il a précipité le pays dans une situation humanitaire catastrophique, où 7 à 8 millions de personnes seraient aujourd’hui menacées de famine. Et depuis que la coalition saoudienne a pénétré sur le sol yéménite, en mars 2015, plus de 10 000 personnes ont trouvé la mort.

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