Le Premier ministre israélien devrait continuer, en 2019, de se rapprocher du monde arabe, tout en tournant le dos aux Palestiniens.
Les sujet brûlants, d’un point de vue géopolitique, n’offriront aucun répit à l’Etat hébreu, lors de ce cru 2019. Qui s’annonce particulièrement relevé. Sans surprise, Benjamin Nétanyahou devra assurer le service après-vente de toute son action jusqu’à présent, alors que les zones de turbulence ne manqueront pas de se manifester.
Au sommet de la pyramide israélienne depuis le 31 mars 2009, le Premier ministre joue en effet sa tête à court terme. Et pour cause. Disposant d’une très faible majorité au sein de la Knesset, après la démission le 14 décembre dernier du ministre de la Défense, Avigdor Lieberman, Nétanyahou a tenté un coup de poker en faisant place nette au sein du Parlement. En conséquence, des élections anticipées décisives pour l’avenir du pays auront lieu le 9 avril prochain.
D’ici là, le chef de l’exécutif devra jouer des coudes pour obtenir des résultats. Et tout particulièrement sur la scène internationale, où Gaza et l’Iran occupent une place prépondérante.
295 Palestiniens tués en 2018
Dans les faits, si Israël place doucement mais sûrement ses pions dans le dossier gazaoui, la marge de manœuvre du gouvernement reste moins large qu’il n’y parait… Avec, en point d’orgue, des violences dans l’enclave de plus en plus contestées en Occident.
Concrètement, la gestion de la Marche du retour au printemps dernier, symbolisant le droit des réfugiés palestiniens de rentrer « chez eux », reste l’une des grandes débâcles, en 2018, de Nétanyahou. Il faut dire que le mode opératoire utilisé par Tsahal (l’armée israélienne) pour calmer les manifestants palestiniens laisse songeur, avec notamment des tirs à balles réelles. Bilan, selon le Bureau des Nations unies pour les affaires humanitaires (OCHA) : 295 Palestiniens tués et près de 30 000 blessés.
Côté israélien, on met volontiers en avant le discours (et les actes) va-t’en-guerre du Hamas, le parti islamique au pouvoir à Gaza. L’une des pierres d’achoppement dans la réconciliation israélo-palestinienne, selon Tel-Aviv. Le Fatah, au pouvoir en Cisjordanie, ayant également du mal à calmer les ardeurs de son « frère ». Fin 2018, une infiltration de l’armée israélienne dans la bande de Gaza avait d’ailleurs mal tourné. Elle s’était soldée par l’assassinat d’un responsable du Hamas, mais aurait très bien pu virer à la guerre ouverte.
Une colonisation qui fait tâche
Parallèlement, il est impossible de passer sous silence la poursuite par Tel-Aviv de sa politique de colonisation. C’est bien simple, l’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche, début 2017, coïncide avec une expansion manifeste des colonies israéliennes en Cisjordanie. Avec pas moins de 15 000 logements approuvés par l’Etat hébreu dans les mois qui ont suivi. Et cela, au nez et à la barbe de l’Assemblée générale de l’ONU, qui avait pourtant voté le 22 décembre 2017 une résolution appelant Israël « à stopper immédiatement et complètement la colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem-Est ». Pour rappel, deux des ministres de Benjamin Nétanyahou, Ayelet Shaked et Naftali Bennett, en lice d’ailleurs pour lui succéder, promette d’annexer la Cisjordanie. Ce qui résoudrait, selon eux, le conflit israélo-palestinien…
Dans le même registre, il est important de rappeler que le Premier ministre israélien souhaite mettre fin aux exactions palestiniennes contre les colonies israéliennes en sanctionnant les familles des assaillants. Comment ? En militant pour le vote d’une loi permettant à l’armée de « délocaliser » en Cisjordanie les proches des frondeurs. Une mesure dissuasive, en somme, tout comme la suspension par Tel-Aviv en octobre des livraisons de fioul à destination de l’enclave gazaouie.
L’Iran, l’autre ennemi d’Israël
La solution à deux Etats n’est, en fin de compte, encore qu’un doux mirage. Mais les obsessions de Tel-Aviv se portent également plus à l’est. La menace iranienne intéressant parallèlement une grande partie de la stratégie de Nétanyahou. Notamment du côté du voisin syrien, où la République islamique a dépêché depuis 2011 « des centaines de conseillers militaires (membre des Gardiens de la révolution) et des milliers de combattants chiites (libanais membres du Hezbollah, miliciens afghans, irakiens ou pakistanais) pour combattre la rébellion syrienne et sauver le président Bachar al-Assad », souligne Le Point.
Solidement installé sur le territoire, l’Iran projette ainsi « de créer une voie de transit, ferroviaire et routière, pour acheminer son pétrole et son électricité de Téhéran jusqu’à la mer Méditerranée ». Sans surprise, « cette présence aux portes de l’Etat hébreu s’affirme (comme un véritable) casus belli pour Tel-Aviv ». Sachant que l’Iran surfe également sur la guerre civile « pour établir des bases (localement) et transférer des missiles de précision à son allié du Hezbollah, (lui aussi opposé) à Israël ».
La milice pro-iranienne a d’ailleurs défrayé la chronique, début décembre, au Liban. Tsahal ayant démontré que le Hezbollah tente de déjouer la surveillance de l’ennemi héréditaire en creusant des souterrains sous la frontière libano-israélienne. Le danger dans ce dossier est donc bel et bien palpable pour Tel-Aviv, qui devra en conséquence se démultiplier pour protéger ses arrières.
Le monde arabe en ligne de mire
Benjamin Nétanyahou devra également s’assurer un maximum de soutiens, au sein du monde arabe, après ceux obtenus par le passé avec l’Egypte et la Jordanie. Si un rapprochement avec l’Arabie saoudite se précise – étant donné que Riyad et Tel-Aviv partagent la même sympathie pour l’Iran -, Israël défend dans le même temps un projet ferroviaire reliant Haïfa (nord) aux pays du golfe Persique.
Présenté en grande pompe au mois de novembre à Oman, ce plan d’envergure – baptisé symboliquement « la voie de la paix régionale » – s’inscrira « au-delà des différends idéologiques et politiques », affirme Yisrael Katz, le ministre israélien des Transports. Le tronçon partirait ainsi du plus important port israélien, passerait par la Jordanie, puis emprunterait des lignes existantes vers le golfe.
Ce dernier permettrait en outre « de créer dans la région une route commerciale supplémentaire plus courte, plus rapide et moins coûteuse, qui profiterait aux économies de la Jordanie, des Palestiniens – qui y seront connectés aussi –, à celles d’Israël, de l’Arabie saoudite, des pays du Golfe et de l’Irak ». Autrement dit : Israël cherche visiblement à copiner avec le monde arabe, tout en maintenant sa politique ultra-répressive vis-à-vis de la Palestine. Un numéro d’équilibriste difficilement tenable. Mais qui ne devrait pas être sanctionné par les Israéliens lors des législatives d’avril prochain.
