D’après l’ancien chef de la police israélienne, Roni Alsheich, difficile pour Nétanyahou d’échapper à l’inculpation pour corruption.
Le procureur général d’Israël, vendredi dernier, a averti qu’aucune raison juridique ne l’empêchait d’inculper Benjamin Nétanyahou pour corruption. Ceci à tout moment, même si sa décision devait intervenir avant les élections législatives du 9 avril prochain. La semaine dernière, les avocats du Premier ministre israélien avaient pourtant rencontré Avichai Mandelblit, afin de lui demander de ne pas annoncer s’il avait l’intention d’inculper leur client. Demande à laquelle le procureur a donc opposé une fin de non-recevoir. Motif : se soumettre au desiderata de Nétanyahou reviendrait à « intervenir » dans la campagne.
« Il semble que le procureur général ait cédé à la pression de la gauche et des médias pour qu’ils déposent des actes d’accusation contre le Premier ministre, peu importe les circonstances – et pendant la campagne », a tenté de se défendre M. Nétanyahou dans un communiqué. Selon lui, Avichai Mandelblit a pris sa décision de manière précipitée, alors que ses avocats lui avaient fourni quelque 60 noms de « témoins significatifs » à interroger. « L’encre [sur la demande] n’a pas encore séché que l’accusation s’est précipitée pour laisser filtrer ses interlocuteurs. Ils n’ont aucune intention d’interroger ces témoins essentiels », a ajouté le Premier ministre.
« Corruption, fraude et abus de confiance »
Guère impressionné par ces déclarations de circonstance, le procureur général a précisé que son équipe continuait d’examiner les dossiers. Et comptait rendre sa décision le plus rapidement possible. Parmi les trois affaires de corruption présumée dans lesquelles M. Nétanyahou est inquiété, l’une s’affiche régulièrement en Une de la presse israélienne. Qui n’hésite pas, d’ailleurs, à la considérer comme « l’un des cas de corruption les plus graves et les plus préoccupants de l’histoire d’Israël ». Cette affaire, baptisée « 3 000 », concerne l’avocat, cousin et confident du Premier ministre, David Shimron, soupçonné d’avoir touché des rétrocommissions, après l’achat par Tel-Aviv de sous-marins allemands en 2016.
« Seulement » interrogé en tant que témoin ici, Benjamin Nétanyahou voit en revanche son nom en tête de liste dans deux autres affaires (« 1000 » et « 2000 »). D’après la police – qui a demandé au parquet d’inculper le Premier ministre -, ce dernier se serait rendu coupable de « délits de corruption, fraude et abus de confiance », pour avoir reçu des cadeaux d’une valeur d’1 million de shekels (229 000 euros) de la part, notamment, d’un Israélien vivant aux Etats-Unis, Arnon Milchan. Au profit duquel le chef du gouvernement aurait fait passer une loi permettant aux Israéliens vivant à l’étranger de bénéficier d’avantages fiscaux. La seconde affaire est assez similaire dans les motifs, mais vise une entente entre Nétanyahou et le patron de presse Arnon Mozes.
Défaite aux législatives
D’après l’ancien chef de la police israélienne, Roni Alsheich, il est à présent difficile que le Premier ministre israélien, inquiété de toute part, puisse échapper à une mise en examen pour corruption. Et il sait de quoi il parle, puisqu’avant de quitter ses fonctions, en décembre dernier, il a supervisé trois enquêtes sur Nétanyahou – toutes ayant conduit la police à recommander sa mise en examen. « Nous avons tous vu les preuves [et] les faits sont sous nos yeux », a-t-il indiqué il y a quelques jours, convaincu que le procureur général, ultime décisionnaire en l’espèce, prendrait « une décision professionnelle », uniquement basée sur les preuves, et ne se laisserait pas influencer par quelque pression que ce soit.
Roni Alsheich étant lui-même soupçonné par l’équipe du Premier ministre d’avoir fait fuiter des informations aux médias. Celle-ci a d’ailleurs porté réclamation devant le procureur général, exigeant qu’il ouvre une enquête sur les fuites alléguées. Dont le principal intéressé se défend : « Les journalistes savent que la police ne divulgue pas les informations de ses enquêtes, point ». Quoi qu’il en soit, Benjamin Nétanyahou a d’ores et déjà fait savoir qu’il ne démissionnerait pas, si Avichai Mandelblit, qui doit rendre son verdict ce mois-ci, venait à l’inculper pour corruption. Le chef du gouvernement serait en revanche obligé de céder son trône en cas de défaite aux législatives. Ce qui, malgré la progression dans les intentions de vote de son principal adversaire, l’ancien chef d’état-major Benny Gantz, ne devrait pas arriver.

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