En Syrie, la population est toujours la grande perdante

Turquie, Russie et Iran se réunissaient aujourd’hui, à Ankara, pour discuter de l’avenir de la Syrie.

La capitale turque accueillait, mercredi, une réunion trilatérale sur la crise syrienne, entre les présidents de la Turquie, de la Russie et de l’Iran, alors que le conflit est entré dans sa huitième année. Vladimir Poutine, arrivé à Ankara hier après-midi, et son homologue iranien, Hassan Rohani, soutiens indéfectibles du régime syrien – qui a pu reprendre le contrôle de son pays grâce notamment à l’aviation russe -, coopèrent régulièrement avec la Turquie, qui épaule pourtant l’opposition à Bachar al-Assad. Les trois acteurs s’étaient déjà réunis, en novembre dernier, à Astana (Kazakhstan) et Sotchi (Russie), pour discuter de l’issue du conflit syrien.

La seule différence, entre fin 2017 et aujourd’hui, étant que le président syrien est en passe de remettre la main sur l’une des dernières zones rebelles de Syrie, la Ghouta orientale, assiégée depuis 2013 par le régime. Ceci grâce à l’appui, là encore, de son allié russe – qui a mis à disposition du chef de l’Etat syrien son aviation – mais également à l’ « accord final » conclu avec le groupe rebelle Jaich al-Islam, pour évacuer les combattants qui tenaient la ville de Douma – l’ultime bastion insurgé dans la Ghouta -, annonçait la semaine dernière l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Plus de 1 300 personnes – militaires et civiles – devaient ainsi se diriger vers Alep (nord) ces derniers jours.

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Reconstruction de la Syrie

Ce qui n’est pas sans poser de problèmes, d’un point de vue humanitaire notamment, beaucoup tenant à dénoncer le sort réservé aux civils. « D’abord victimes de la répression et des persécutions du régime de Bachar al-Assad, les Syriens en zone rebelle se sont ensuite retrouvés confrontés aux combats entre groupes d’opposition et forces gouvernementales » affirmait mercredi Médecins sans frontières (MSF). « L’assistance aux populations syriennes est soumise à de nombreuses contraintes : déplacement rapide des lignes de fronts, bombardement indifférencié, destruction ciblée des structures de santé […]. » Tout, ou presque, se fait « au détriment des civils » alerte l’association. Les grands raouts diplomatiques avant tout.

Vendus comme des conférences internationales pour la reconstruction de la Syrie, ces rendez-vous laissent à l’arrière-plan, en général, le sort des populations. Comme le rappelait Marie Peltier, historienne et spécialiste de la Syrie, en février dernier, le « narratif » de la reconstruction « a été imposé par Bachar al-Assad et Vladimir Poutine pour laisser penser que la guerre était finie et qu’ils en étaient les vainqueurs. C’est un déni du réel et une entreprise de propagande et de désinformation. » D’après elle, « la ‘‘reconstruction’’ n’est pas à l’ordre du jour dans un pays à feu et à sang, au cœur d’un conflit devenu désormais régional ». Avec, notamment, les assaut turcs, dans le nord, pour museler les populations kurdes.

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Influences extrémistes

Tandis que l’agence de presse Reuters soulignait la difficulté qu’auront Russes et Iraniens à trouver un accord avec les Turcs, ennemis régionaux de Damas et en bisbille avec Moscou, impossible de ne pas noter le réchauffement récent des relations entre MM. Poutine et Erdogan. Hier, le président turc annonçait le début de la construction de la centrale nucléaire d’Akkuyu (sud) par le géant russe Rosatom, quand son homologue russe affirmait que son pays allait « accélérer » la livraison à la Turquie des systèmes russes de défense antiaérienne S-400. Ironie du sort : les deux diplomaties s’étaient brouillées en 2015 après qu’Ankara avait abattu un avion de chasse russe.

« Nous assistons à un moment vraiment historique », a en tout cas déclaré Recep Tayyip Erdogan, en ouverture de la conférence tripartite. Une sortie davantage rhétorique que sensée, pour certains médias, qui ont noté l’absence criante de l’Occident à la réunion – ainsi que des Syriens eux-mêmes. D’après CNN, l’arrangement entre les trois pays ne règlera en rien les questions structurelles qui ont entraîné la guerre syrienne ; comme, par exemple, la manière de traiter les sunnites syriens, « privés de leurs droits, assiégés et sous-financés », à la merci des influences extrémistes. D’une manière ou d’une autre, les grands perdants de ce genre de rendez-vous demeurent les populations. Tandis que les vainqueurs se partagent le gâteau.

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