Une levée de fonds, organisée mardi par l’ONU, a permis de récolter 1,35 milliard de dollars pour le pays.
L’heure tourne pour le Yémen exsangue. Mercredi 3 juin, les Nations unies (ONU) ont averti que leurs programmes de lutte contre le coronavirus et de prévention de la famine, à destination de plusieurs millions de Yéménites, pourraient s’arrêter d’ici la fin du mois faute de financement. La veille, l’institution internationale avait organisé un gigantesque appel aux dons pour financer l’aide d’urgence dans le pays le plus pauvre du monde arabe. Il manque pour l’instant 1 milliard de dollars pour les programmes essentiels de juin à décembre.
75 % des programmes onusiens au Yémen, qui couvrent tous les secteurs, de l’alimentation aux soins de santé, ont dû fermer ou réduire leurs opérations en raison d’un manque de fonds, révèle l’agence américaine Associated Press (AP). Par exemple, le Programme alimentaire mondial a dû diminuer de moitié les rations et les services de santé financés par l’ONU ont vu leur nombre chuter dans 189 des 369 hôpitaux du pays.
Endiguer le virus
« Le Yémen est passé d’une catastrophe à l’autre ces dernières années, mais les groupes d’aide avertissent que ce pays de 30 millions d’habitants vit son heure la plus sombre avec la propagation du coronavirus. Les hôpitaux du pays, qui manquent d’électricité, de matériel de protection pour les travailleurs de santé, de ventilateurs et d’autres équipements de sauvetage, ne sont tout simplement pas équipés pour faire face à une épidémie du virus », alertent Samy Magdy et Aya Batrawy, journalistes pour AP.
Cette disette est due en grande partie à la guerre civile qui a éclaté au Yémen, fin 2014, entre les Houthis – des rebelles chiites soutenus par l’Iran – et le gouvernement internationalement reconnu, en exil, épaulé par une coalition de pays arabes chapeautée par l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (EAU), très actifs dans les airs, pour la première, et au sol, dans le sud du Yémen, pour les seconds. Le conflit a tué plusieurs dizaines de personnes, dont de nombreux civils, parfois directement pris pour cibles par la coalition, et provoqué « la pire crise humanitaire du monde », selon des mots de l’ONU, déplaçant quelque 3 millions de personnes à l’intérieur du pays.
Zoe Paxton, la porte-parole du Bureau humanitaire de l’ONU (OCHA), a déclaré que si l’aide internationale n’était pas versée immédiatement, les équipes d’intervention œuvrant à contenir la propagation du Covid-19 au Yémen « cesseront de travailler probablement d’ici la fin de ce mois ». De quoi handicaper sérieusement les efforts pour endiguer le virus, qui se propage à un rythme alarmant dans tout le pays, et menace de mettre à terre un système de santé déjà ravagé par la guerre civile. La levée de fonds organisée mardi a permis de récolter 1,35 milliard de dollars, soit la moitié environ de la somme nécessaire.
Ingérence des Houthis
L’Arabie saoudite, souvent pointée du doigt par les organisations humanitaires pour ses bombardements « aveugles », a réitéré ses annonces précédentes selon lesquelles elle verserait 500 millions de dollars d’aide au Yémen en 2020, le montant le plus élevé jamais promis par un pays. Cependant, révèle AP, selon les chiffres de l’ONU, Riyad n’a versé pour l’instant que 16 millions de dollars au plan d’intervention onusien. Quant aux EAU, l’autre acteur majeur du conflit au Yémen, ils n’ont annoncé aucune promesse d’aide lors de la conférences des Nations unies.
Abou Dhabi dit tout de même avoir dépensé quelque 37 millions de dollars pour le Yémen cette année. La ministre émiratie pour la coopération internationale, Reem al-Hashimy, a quant à elle déclaré que son pays avait fourni plus de 6 milliards de dollars d’aide au Yémen depuis le début de la guerre. Où, en mai dernier, les EAU ont envoyé 87 tonnes de fournitures médicales.
Problème, les rebelles houthistes, qui contrôlent depuis 2014 la capitale yéménite, Sanaa, et une grande partie du Nord, empêcheraient l’aide humanitaire de parvenir jusqu’aux civils. Raison pour laquelle, d’ailleurs, les Etats-Unis ont diminué leur aide au Yémen en début d’année. AP de révéler que Riyad et Abou Dhabi cherchent à contourner l’ingérence des Houthis, actuellement, pour faire en sorte que l’aide parvienne aux Yéménites dans le besoin (environ 20 millions de personnes).
Crédits photo : Des travailleurs médicaux yéménites, portant masques et tenues de protection, à l’entrée d’un hôpital à Aden, dans le sud du Yémen, le 12 mai 2020 (AP Photo/Wail al-Qubaty).
