L’organisation, terroriste selon Washington, dispose aujourd’hui d’un des groupes armés les plus efficaces au Moyen-Orient.
Le conflit entre l’Iran et les États-Unis, qui a créé des tensions dans une grande partie du Moyen-Orient, se fait maintenant également sentir au Liban, où Washington a imposé des sanctions au Hezbollah, soutenu par l’Iran. Tout en avertissant qu’elles pourraient bientôt s’étendre à ses alliés, aggravant encore la crise économique du pays du Cèdre. « L’administration Trump a intensifié les sanctions contre le groupe militant libanais et les institutions qui lui sont liées à un niveau sans précédent, ciblant pour la première fois les législateurs ainsi qu’une banque locale qui, selon Washington, a des liens avec le groupe, vient en effet de publier l’agence Associated Press (AP). Deux responsables américains se sont rendus à Beyrouth en septembre et ont averti que les sanctions allaient augmenter pour priver le Hezbollah de ses sources de revenus. Cet élan ne fait qu’aggraver la grave crise financière et économique du Liban », poursuit AP.
Les autorités libanaises, de leur côté, ont averti que l’économie et le secteur bancaire du pays ne pourraient supporter cette pression bien longtemps. En 2018, la première a connu une croissance d’à peine 0,2 %, selon le Fonds monétaire international (FMI). L’un de ses piliers, l’immobilier, souffrant par exemple de prêts à des taux excessifs, ce qui empêche le marché de repartir. Si l’on ajoute à cela la chute des ventes de voitures neuves (- 20 % sur les 7 premiers mois de cette année) et la peur d’une crise financière majeure, les autorités libanaises ont de quoi s’inquiéter après la salve de sanctions américaines.
Organisation terroriste
Pas de quoi s’émouvoir du côté de Washington, où l’on parade presque. « Nous avons récemment pris plus de mesures contre le Hezbollah que dans l’histoire de notre programme antiterroriste », a effectivement déclaré Sigal Mandelker, la sous-secrétaire au Trésor pour le terrorisme et le renseignement financier, le mois dernier aux Émirats arabes unis (EAU). Où elle s’est dite confiante que le gouvernement libanais et la banque centrale « feront ce qu’il faut pour s’assurer que le Hezbollah ne puisse plus avoir accès aux fonds de la banque ».
Le Hezbollah, dont le nom arabe signifie « Parti de Dieu », rappelle AP, « a été créé par la Garde révolutionnaire iranienne après l’invasion du Liban par Israël en 1982. Ce groupe, qui jouit d’un large soutien au sein de la communauté chiite libanaise, dirige des institutions telles que des hôpitaux, des cliniques et des écoles, mais il possède également des dizaines de milliers de missiles que ses dirigeants peuvent envoyer partout en Israël ». Le groupe est désigné comme organisation terroriste par les Etats-Unis, certains pays du Golfe et quelques pays d’Amérique latine, tandis que l’Union européenne (UE) considère comme terroriste seule la branche militaire du Hezbollah.
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« Aujourd’hui, elle compte parmi les groupes armés les plus efficaces du Moyen-Orient, avec un arsenal plus puissant que celui de l’armée libanaise », note par ailleurs l’agence de presse. Le Hezbollah a par exemple envoyé des milliers de combattants en Syrie pour soutenir les forces du président Bachar al-Assad, soutenu par l’Iran (et la Russie). Et le groupe terroriste – selon Washington donc – ainsi que ses alliés « ont plus de pouvoir que jamais au Parlement et au gouvernement », le président libanais, Michel Aoun, étant « un allié puissant du groupe », d’après AP.
« Effondrement rapide »
Si le Hezbollah a reconnu que les sanctions américaines pouvaient ébranler son organisation, il est capable d’y faire face selon lui. Mais également de se défausser de toute responsabilité à l’endroit de Beyrouth. « Le groupe a averti que c’est le travail de de l’Etat libanais de défendre ses citoyens lorsqu’ils font l’objet de sanctions simplement parce qu’ils appartiennent au Hezbollah, qu’ils sont musulmans chiites ou qu’ils sont des sympathisants ». Jusqu’à présent, en effet, toutes les personnes ayant fait l’objet de sanctions sont soit des responsables du Hezbollah, soit des musulmans chiites qui, selon Washington, viennent en aide à ce groupe.
L’économie libanaise étant « dollarisée » à hauteur de 70 %, explique Walid Marrouch, un professeur agrégé d’économie à la Lebanese American University, « Beyrouth doit se conformer aux lois américaines. […] Nous vivons déjà une crise et cela ne fera qu’empirer les choses » si le pays du Cèdre refuse de se plier aux ordres du département du Trésor américain selon lui. Mais le Hezbollah est-il disposé à « rentrer dans le rang » ? Rien n’est moins sûr. « Si le Hezbollah décide de combattre l’Amérique avec l’argent des Libanais, nous garantissons un effondrement rapide » de l’économie libanaise, prédit même Antoine Farah, chargé des affaires économiques au sein du quotidien Al-Joumhouria. Qui compare ce que deviendrait alors le Liban au Venezuela aujourd’hui.

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