L’Arabie saoudite doit mener une lutte idéologique contre le terrorisme

Fer de lance de la lutte contre le terrorisme, l’Arabie saoudite est pourtant le terreau de son idéologie extrémiste, le wahhabisme.

Le 26 novembre 2017 a-t-il marqué un tournant dans la lutte contre le terrorisme dans le monde arabe ? L’Arabie saoudite, dirigée désormais de manière quasi-officielle par le prince héritier Mohamed ben Salman, en est certainement convaincue, puisqu’elle a assuré à l’ensemble de la communauté internationale en être le fer de lance. En devenant l’initiateur d’une coalition antiterroriste rassemblant 40 pays musulmans majoritairement sunnites, le royaume des Saoud s’est promis de mener une lutte sans merci contre les groupes extrémistes jusqu’à leur « disparition de la Terre ». (Une initiative qui ne cache guère sa volonté d’isoler une fois de plus son ennemi chiite, l’Iran.)

Idéologies anxiogènes

Au-delà de cette rivalité régionale exacerbée, il est intéressant de s’interroger sur la viabilité à long terme de cette énième initiative contre le terrorisme. A l’instar de nombreux pays, la réponse première apportée par l’Arabie saoudite pour combattre le terrorisme est donc militaire. Il va de soi que pour combattre ce fléau transnational, il est inévitable de passer par cette option. Ce n’est certainement pas la fleur au fusil que les pays les plus exposés parviendront à diminuer le risque terroriste. La sécurisation des frontières ou encore la lutte contre les réseaux criminels, alimentant les organisations terroristes, exigent bien évidemment une implication militaire de grande ampleur.

Cependant, la sécurité n’est pas à elle seule la mère du développement et de la stabilité des États. La réplique militaire, aussi forte soit-elle, demeure même inefficace si l’on considère qu’elle est la panacée pour éradiquer le terrorisme, ce qui est pour l’heure encore le cas.

L’Arabie saoudite a une importante responsabilité face à la propagation d’idéologies anxiogènes et rétrogrades altérant sensiblement l’image de l’islam et de ses disciples. Le wahhabisme en est l’exemple le plus concret. Il est donc plus qu’urgent pour la pétromonarchie de lutter avec vigueur contre ce qui constitue toujours un des ingrédients de la radicalité et donc in fine du terrorisme. Profitant du laxisme voire de la complicité de leurs autorités, les télévangélistes saoudiens ont été parmi les premiers à participer à la calcification des esprits de leur public. Pis encore, ils ont fortement contribué au lavage de cerveaux d’innombrables individus partis semer la terreur en Afghanistan ou encore en Algérie dans les années 1990. A l’heure où l’accès aux médias et aux réseaux sociaux est quasi généralisé, les discours empreints de haine véhiculés en toute impunité par des pseudos représentants religieux sont toujours d’actualité.

« Exemple qui doit venir d’en-haut »

La lutte que doit mener l’Arabie saoudite est donc aussi idéologique. Elle doit mener ce combat sans ambiguïté car ces voix extrémistes, émanant de personnalités jamais très éloignées du pouvoir politique, continuent de trouver un écho favorable au sein d’une certaine frange de la jeunesse, coincée entre carcans et tabous. L’application des règles de droit dépourvues de sous-jacents idéologiques moyenâgeux doit alors devenir le recours inéluctable de l’État pour réussir cet objectif. Il est donc ici question de volonté et même de courage politique, ce fameux « exemple qui doit venir d’en haut ». A l’image des femmes qui bravent certains interdits exogènes de la religion musulmane, la société civile saoudienne est certainement plus réformatrice que les détenteurs du pouvoir dans ce pays.

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Hôte des lieux saints de l’islam, l’Arabie saoudite doit avant tout être le miroir de la richesse du monde arabe. Ce monde qui est loin d’être ce bloc monolithique dénué de diversité comme voudrait nous le faire croire certaines analyses réalisées aux travers de prismes déformants.

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