L’ancien président yéménite avait récemment appelé la population de Sanaa à se soulever contre les Houthis, ses alliés d’hier.
Après le feu des projecteurs, celui des rebelles Houthis. Lundi, dans l’après-midi, Ali Abdallah Saleh, l’ancien président du Yémen, a été tué par balles dans la capitale, Sanaa, dans des conditions qui restent encore à éclaircir. Des sources au sein du Congrès général du peuple (CGP), son parti politique, citées par le média saoudien Al Arabiya, ont confirmé la nouvelle. Egalement relayée par les milices houthistes, dans une vidéo montrant le corps de l’ancien chef de l’Etat étendu sur une couverture, entouré de combattants célébrant sa mort. Un peu plus tôt dans la journée, les Houthis avaient fait exploser sa maison, dans le centre-ville.
Alliance intéressée
Depuis plusieurs jours, Sanaa est le théâtre d’affrontements entre rebelles et forces pro-Saleh, qui se partageaient jusqu’à présent le contrôle de la capitale en plus ou moins bonne intelligence. Sauf que l’ex-président yéménite, écarté du pouvoir après les révoltes qui ont secoué le pays entre 2011 et 2012, avait fait une déclaration surprise, samedi dernier, appelant la population à se soulever contre les Houthis. Un acte de « trahison » pur et simple pour ces derniers, qui avaient bénéficié du soutien d’Ali Abdallah Saleh pour s’emparer de la ville fin 2014. Si d’aucuns attendaient ce revirement, celui-ci n’a finalement fait qu’acter sa mort.
« Avec toutes mes excuses pour les martyrs de la révolution, cela ne nous console pas qu’il soit mort de cette manière, tué par les houthistes » a réagi le journaliste yéménite Wasim al-Quershi sur son compte Twitter. « Il avait tout de même rendu service à son pays avant de mourir, en corrigeant l’erreur de son alliance avec les Houthis. » Une alliance purement intéressée puisque, selon certains, M. Saleh souhaitait, en s’associant avec les rebelles, faire tomber son successeur, Abdrabbo Mansour Hadi, et ainsi revenir aux affaires. Mais une alliance de facto abandonnée après qu’il a déclaré samedi dernier vouloir tisser des liens avec l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis (EAU).
« Refus du droit des peuples à la liberté »
Les deux pays font partie de la coalition d’Etats musulmans dirigée par Riyad et qui intervient militairement au Yémen depuis mars 2015. Ceci afin d’épauler les forces pro-gouvernementales contre les Houthis, issus de la minorité zaïdite – une branche de l’islam chiite -, soutenus par l’Iran. Les combats ont fait jusqu’à présent plus de 8 000 morts et 50 000 blessés, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), et précipité 7 à 8 millions de Yéménites dans une situation de quasi-famine. La semaine dernière, les Saoudiens ont accepté de lever le blocus qu’ils avaient mis en place début novembre, afin de faire transiter l’aide humanitaire.
La mort d’Ali Abdallah Saleh, en tout cas, jette le trouble sur l’avenir de la guerre civile yéménite, mais également sur le rapport de force entre Riyad et Téhéran dans le pays. « Mort de Saleh, chaos, menaces sur la région, ingérences iraniennes, tout cela à cause du refus du cours de l’histoire, du refus du printemps arabe, du refus du droit des peuples à la liberté » a déclaré Khaled Khashoggi, éditorialiste saoudien en exil. L’Arabie saoudite et l’Iran pourraient à présent tenter de réagir : la première pour venger la mort de M. Saleh ; le second en incitant les houthistes à surfer sur cette « prise » de guerre. Dont le successeur, à la tête du CGP et, éventuellement, du pays, est déjà tout désigné : son fils Ahmed Ali Abdallah Saleh.

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