Abdallah Hamdok a annoncé, dimanche, qu’il n’était plus en mesure d’assumer son rôle de chef du gouvernement.
Les Soudanais sont descendus dans les rues de la capitale du pays, Khartoum, et dans d’autres villes, mardi, pour manifester contre le coup d’État d’octobre dernier, alors que le pays s’enfonce encore davantage dans la tourmente après la démission du Premier ministre, Abdallah Hamdok, en début de semaine.
Les forces de sécurité ont tiré des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants en plusieurs endroits de la capitale, notamment aux alentours du palais présidentiel, où des affrontements ont eu lieu lors des précédentes séries de manifestations depuis le coup d’État du 25 octobre. Des vidéos montrent également des manifestants lançant des pierres et des grenades lacrymogènes sur les forces de sécurité. Aucune victime n’a été signalée dans l’immédiat.
Le Premier ministre avait été évincé lors du coup d’État, avant d’être réintégré un mois plus tard à la suite d’un accord avec les militaires destiné à apaiser les tensions et les manifestations anti-coup d’État. M. Hamdok a finalement démissionné dimanche dans un contexte d’impasse politique, déclarant qu’il n’avait pas réussi à trouver un compromis entre les généraux au pouvoir et le mouvement pro-démocratique.
Le Soudan est politiquement paralysé depuis le coup d’État. La prise de pouvoir par les militaires est intervenue plus de deux ans après qu’un soulèvement populaire a forcé la destitution de l’autocrate de longue date, Omar el-Béchir, et de son gouvernement islamiste en avril 2019.
L’armée, sous la pression internationale, a réintégré Abdallah Hamdok en novembre pour diriger un cabinet technocratique. Mais cet accord a mis sur la touche le mouvement pro-démocratique à l’origine du soulèvement contre Omar el-Béchir. Depuis lors, le chef de l’exécutif n’a jamais été en mesure de former un gouvernement dans un contexte de protestations incessantes, non seulement contre le coup d’État mais aussi contre son accord avec les militaires.
60 manifestants tués
Des milliers de personnes ont donc, pour protester contre le marasme politique au Soudan, participé mardi à des marches à Khartoum et dans sa ville jumelle d’Omdurman, afin de dénoncer le coup d’État. Des images mises en ligne montrent de jeunes manifestants chantant, battant des tambours et brandissant des drapeaux soudanais. Des manifestations similaires ont eu lieu dans d’autres villes, notamment dans la ville orientale de Port Soudan et dans la région du Darfour.
« Nos trois conditions actuelles après le coup d’État sont : aucune négociation, aucun partage du pouvoir et aucun compromis, en plus des principales demandes de la révolution, qui sont la liberté, la paix et la justice. C’est tout, nous n’avons pas d’autres revendications », a déclaré un manifestant, Waddah Hussein, dont les propos sont rapportés par l’agence américaine Associated Press (AP).
Selon des militants, les autorités ont fermé les principales routes et rues de Khartoum et d’Omdurman à l’approche des manifestations. Cette tactique a été utilisée au cours des deux derniers mois pour empêcher les manifestants d’atteindre les bâtiments gouvernementaux.
Depuis le coup d’État, près de 60 manifestants ont été tués et des centaines d’autres blessés dans le cadre d’une lourde répression sécuritaire, selon un groupe médical soudanais. Les manifestations sont organisées à l’appel de l’Association des professionnels soudanais et des comités de résistance, qui ont constitué l’épine dorsale du soulèvement contre Omar el-Béchir.
La démission de M. Hamdok a plongé le pays dans une plus grande incertitude et « privé les généraux de la feuille de vigne » qu’ils utilisaient pour poursuivre leur régime militaire, a déclaré Mohammed Yousef al-Mustafa, porte-parole de l’association.
Le mouvement de protestation insiste pour qu’un gouvernement entièrement civil dirige la transition, une demande rejetée par les généraux qui affirment que le pouvoir ne sera remis qu’à un gouvernement élu. Des élections sont prévues en juillet 2023, conformément à un document constitutionnel régissant la période de transition.
Selon un responsable militaire et un dirigeant protestataire, des délibérations sont en cours pour trouver « une personnalité indépendante » qui puisse diriger un cabinet technocratique jusqu’aux élections. Ils ont parlé sous couvert d’anonymat pour discuter des négociations. Parmi les noms évoqués figure celui de l’ancien ministre des Finances, Ibrahim Elbadawi.
Crédits photo : Des personnes scandent des slogans lors d’une manifestation pour dénoncer le coup d’État militaire d’octobre 2021, à Khartoum, au Soudan, mardi 4 janvier 2022 (AP Photo/Marwan Ali).