Coronavirus: Quoi de mieux que l’humour pour surmonter la misère que nous ont réservé les oracles ? Ou que nous nous sommes plutôt réservés nous-mêmes. Trop modestes pour prendre la plus grande partie des richesses ou trop altruistes « générosité arabe » qu’ils disent pour prendre ce qui nous revient de droit.
Dans la morosité et la peur qui accompagnent la propagation du Coronavirus, il y a tout de même de l’humour à relever. Il faut dire que l’humour échappe rarement aux Arabes, et c’est tant mieux.
Quoi de mieux que l’humour pour surmonter la misère que nous ont réservée les oracles ? Ou que nous nous sommes plutôt réservés nous-mêmes. Trop modestes pour prendre la plus grande partie des richesses ou trop altruistes « générosité arabe » qu’ils disent pour prendre ce qui nous revient de droit.
Alors voilà, le fait est là : le Coronavirus est une maladie qui fait des ravages dans le monde, et qui déclenche les plans d’urgence. Même l’économie ne s’en préserve pas : cours de pétrole en baisse, or en hausse et panique à bord !
Si les masques et les gels se font rares par les temps qui courent, la prévention, remplacement à cet outillage passe désormais par la thérapie du rire par chez nous. Nous avons cette force, admettez, de tout affronter par le sourire : catastrophes naturelles, terrorisme, colonialisme, pauvreté et tous les maux de la terre qui nous connaissent que trop bien d’ailleurs. Les rires sont toujours là et c’est rassurant.
En tout cas moi j’en ris de ces personnes qui sont convaincues d’avoir trouvé une cause à la maladie, une origine évidente. C’est la colère de dieu qu’ils disent ! (ndlr)
Et aux prêches de fuser, aux vidéos en provenance de la Mecque, aux vieux de multiplier les prières. Et de s’en prendre à ces filles qui s’habillent d’une façon « osée » et qui se maquillent comme des tableaux de Van Gogh ! « Astaghfiroulah », « ya latif » répliquent les vieux ennuyés par de tels actes. Le monde va s’écrouler car certains, selon eux, font trembler les cieux avec leur comportement irresponsable et antireligieux.
M, m’a avoué du haut des ses 40 ans qu’en Algérie : « c’est le rai, cette musique de Satan qui nous a attiré la colère de dieu illustrée, d’après elle, par le Coronavirus » et de boucler par « astaghfiroulah ». (ndlr)
« Si nos mosquées sont vides et que nos jeunes tournent le dos à la religion, qu’attendez vous de Dieu ? Qu’il nous vienne en aide ? Non, il nous a envoyé le coronavirus en piqûre de rappel, astaghfiroulah !» S. 33 ans.
Pour faire le bouclage avec les courants de pensée, et dans l’espoir d’expliquer ce phénomène, je vais citer Nietzsche qui revient dans « Aurore » sur la morale et le sense making qu’en font les masses.
« La morale n’est pas autre chose que l’obéissance aux mœurs, quelle que soit le genre de celles-ci : mais les mœurs, c’est la façon traditionnelle d’agir et d’évoluer » F Nitszeche, paragraphe 9, Aurore.
Autrefois, tout dépendait des mœurs et de la morale. Et celui qui voulait s’élever au dessus des mœurs devait se faire législateur ou se transformer en demi-dieu, ou fallait il qu’il soit capable de « créer des mœurs » Nietzsche (1881)
Donc à en croire certains (dieu merci ils ne sont pas si nombreux), le Coronavirus serait la conséquence d’actes jugés par ces mêmes personnes comme anti religieux. OK.
A cause des irresponsables qui n’ont pas respecté les mœurs établies par la communauté, les nuages divins et les explosions de colères se sont accumulés sur le monde.
Dans ce cas là, philosophiquement parlant : ces mêmes personnes veulent à tout prix établir un mouvement réciproque entre le sens de la moralité et le sens de la causalité. Pour y parvenir, ils s’inventent des causalités imaginaires et ad hoc, ils font des observations sur les actes et les suites des actes, les crimes et les châtiments. Ensuite, ils tirent des conclusions et des lois !
Ces gens-là, disait Brel, « ne pensent pas, ils prient »
Ils se ressemblent tellement dans leur activité grossière et anti scientifique. Et c’est bien l’anti scientifique qui a laminé le monde arabe qui fût jadis, temple du savoir et berceau des civilisations. Ces gens là, inhibent toute forme de développement humain, usant de matière sans valeur.
Il n’est plus déraisonnable que de concevoir cause et effet comme cause et punition. Il n’est plus néfaste que d’user de la religion pour expliquer ce qui doit être exclusivement du ressort de la science.
Mais notre monde arabe est frappé par plus dangereux que « ces gens là », qui après tout, manquent d’intellect et de réflexion. Le danger nous vient surtout d’une «élite » ou de charlatans élevés au rang d’élite et d’experts à gogo ( cas de la Tunisie) qui émettent leurs dictions en cascades sans aucun fondement scientifique.
De nos éditorialistes qui nous montrent « le mal » et le « bien ». Malgré nos révolutions, on ne s’est débarrassé ni du joug de la moralité ni de l’emprise des experts par truchement, qui se pavanent sur nos écrans en détenteurs absolus du savoir et de la science.
Autrefois, les grecs soutenaient l’idée que là où il y a innovation, génie et savoir, il y a un grain de folie. Platon disait « Par la folie, les plus grands bienfaits ont été répandus sur la Grèce ».
Dire à Platon que dans le monde arabe nous avons la folie mais pas encore le génie qui va avec !
Je finirai par cette citation de Nietzsche : « Collaborez, vous les secourables et bien pensants, à l’œuvre d’écarter du monde le concept de punition qui l’a envahit totalement ».
Et non, le Coronavirus n’est pas le résultat de la délinquance ou du manque de foi.
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Mounira Elbouti est doctorante et enseigante à l’IMT Business School. Elle s’intéresse à l’analyse de l’évolution des sociétés maghrébines post-« printemps arabe » et s’est spécialisée dans les questions de genre, de leadership et de transformation digitale. Elle a déjà collaboré avec le HuffingtonPost Maghreb, Le Mondafrique, Tunis Hebdo et Liberté Algérie.