Soudan : Salma al-Majidi, féminisme et ballon rond

Salma al-Majidi est la première femme arabe et soudanaise à prendre en charge une équipe d’hommes dans le monde arabe.

Si le football soudanais fait parler de lui, en ce moment, ce n’est pas pour sa (non-)participation à la prochaine Coupe du monde, cet été en Russie. Ni pour le rang de son équipe nationale dans le classement de la FIFA – le Soudan pointe à la 117ème place sur 206. Pourtant, le pays fait bel et bien figure d’exception dans le monde arabe. Et cette figure porte un nom : il s’agit de Salma al-Majidi, première entraîneuse d’une équipe de football masculine, à Al-Gadaref (à l’est de Khartoum).

Au milieu de la poussière et du bruit des crampons, « Sister coach » déambule chaque jour sur le terrain de fortune, plots en main, munie d’un survêtement et la tête recouverte d’un voile, pour entraîner ses joueurs. « Première femme arabe et soudanaise à prendre en charge une équipe d’hommes dans le monde arabe », comme la présente la Fédération internationale de football, Salma al-Majidi est « tombée » dans ce sport à l’adolescence. Son « premier et dernier amour » dit-elle.

Réticences

A 16 ans, elle observe les entraînements de son petit frère, analyse la gestuelle de son coach et va échanger avec lui. « A la fin de chaque séance, je discutais avec lui des techniques enseignées. Il a vu que j’avais un don pour l’entraînement et m’a donné une chance de travailler avec lui » raconte-t-elle. Salma al-Majidi prend ensuite en charge des équipes jeunes, à Omdurman, la ville jumelle de Khartoum, puis entraîne des clubs masculins de 2ème ligue – dont certains finiront premiers de leur championnat.

Une ascension, dans le petit monde du football soudanais, qu’elle n’a pas réalisée sans peine. Salma al-Majidi a même dû se battre pour imposer son autorité au bord du terrain, raconte-t-elle à l’AFP. « Il y avait ce garçon qui refusait de m’écouter. Il me disait appartenir à une tribu qui croyait que les hommes ne devraient jamais prendre leurs ordres auprès d’une femme. Il a fallu des mois pour qu’il m’accepte. » Dans sa famille, conservatrice, la jeune entraîneuse a également dû affronter les réticences.

« Déterminée à réussir »

« Le Soudan est une communauté de tribus dont certaines estiment qu’une femme doit rester à la maison » explique Aïcha al-Charif, sa mère. Mais « Salma a toujours préféré porter des pantalons. Et elle regardait toujours les garçons jouer au football. » Mohamed al-Majidi, son père, a mis du temps à accepter la volonté de sa fille. Mais maintenant, « je lui fais confiance, elle m’a convaincu, elle a un message à faire passer. Et les gens au Soudan vont parler d’elle » annonce-t-il.

« Il y a des restrictions mais je suis déterminée à réussir » Salma al-Majidi

Entraîneuse à plein temps d’une équipe masculine et payée comme le serait un homme dans son club, le statut est effectivement atypique. Et encourageant. Car si le pays – régi par certains préceptes de la loi islamique – n’interdit pas aux femmes de jouer au football, le conservatisme de la société est tel qu’en pratique, celles-ci n’y jouent pas. Ce qui n’empêche pas Salma al-Majidi d’être « déterminée à réussir ». Ce qu’elle a déjà fait ? En 2015, la BBC la plaçait dans sa liste des « 100 femmes qui inspirent ». Pas une fin en soi. Mais la preuve que, même au-delà des frontières du pays, on « parle d’elle ».

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