Le ministre de l’Information, avant d’être nommé, avait critiqué le rôle des Saoudiens dans le conflit au Yémen.
Jeudi, le Premier ministre libanais a de nouveau exhorté le ministre de l’Information à « faire ce qui doit être fait », lui demandant apparemment de démissionner en raison d’un différend diplomatique sans précédent avec l’Arabie saoudite. Cette querelle, qui oppose le « pays du Cèdre » et son (ancien ?) allié du Golfe, menace de déstabiliser le nouveau gouvernement libanais. Mais également d’aggraver le marasme économique du pays.
Le Premier ministre, Najib Mikati, ne peut renvoyer un ministre sans l’approbation d’au moins deux tiers du Cabinet et du président libanais, rappelle l’agence américaine Associated Press (AP). Le ministre de l’Information, George Kordahi, avait refusé de s’excuser ou de démissionner – une position qui était soutenue par le Hezbollah et ses alliés au sein du Cabinet -, après qu’il a critiqué le rôle de Riyad dans la guerre au Yémen, où les Saoudiens interviennent depuis mars 2015 pour chasser les rebelles Houthis (chiites, affiliés à l’Iran).
« Extorsion »
M. Mikati a déclaré qu’il s’était mis d’accord avec le président libanais Michel Aoun sur la manière de sortir de la crise qui menace de diviser son gouvernement, investi il y a moins de deux mois. Il a déclaré que la décision de George Kordahi serait une « priorité et la feuille de route naturelle pour sortir de la crise » et préserver les relations avec le Golfe. Mais le Hezbollah a déclaré jeudi qu’il rejette et condamne ce qu’il appelle « la dictature étrangère sur le mode de fonctionnement du gouvernement », réitérant indirectement son soutien continu au ministre de l’Information.
Riyad a retiré son ambassadeur de Beyrouth et demandé à son homologue libanais de quitter le royaume. Il a également interdit les importations libanaises, sapant le commerce extérieur du « pays du Cèdre » et le privant de millions de dollars, alors même qu’il se débat dans un effondrement économique.
« Le pays ne peut pas être géré avec le langage du défi et de l’obstination, a déclaré Najib Mikati, revenu à Beyrouth mercredi soir de la conférence des Nations unies sur le climat à Glasgow, en Écosse. Nous devons nous unir derrière un seul mot pour travailler à sauver notre pays ».
Le Liban a d’ores et déjà sollicité la médiation de la France et des États-Unis auprès de l’Arabie saoudite. Le message de son Premier ministre appelant à l’union semble s’adresser principalement à ses partenaires gouvernementaux du Hezbollah, le parti chiite libanais allié de l’Iran. Selon les médias locaux, certains ministres alliés au Hezbollah ont menacé de démissionner en cas de départ de George Kordahi – nommé au gouvernement par un parti allié au « parti de Dieu », dont les membres ont qualifié le jeu diplomatique de Riyad d’ « extorsion ».
Port de Beyrouth
Le tout nouveau ministre de l’Information a refusé de démissionner, insistant sur le fait que les Houthis du Yémen ont le droit de se défendre, et rappelant qu’il ne cherchait pas à offenser qui que ce soit par ses commentaires, enregistrés avant qu’il ne devienne ministre. Les pays arabes du Golfe, quant à eux, se sont joints à l’Arabie saoudite pour retirer leurs diplomates du Liban, aggravant ainsi le conflit diplomatique. Qui met déjà à mal la légitimité du nouvel exécutif libanais, mis en place, pourtant, après plus d’un an d’impasse entre politiques libanais sur la composition gouvernementale.
Le Cabinet n’a pas pu se réunir depuis des semaines, principalement en raison d’une autre crise, déclenchée lorsque le Hezbollah a protesté contre le déroulement de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth l’année dernière. Le parti chiite a en effet critiqué le juge qui dirigeait l’enquête, affirmant que son enquête était politisée et partiale, et a demandé au gouvernement de veiller à ce qu’il soit démis de ses fonctions.
Une cour d’appel vient à ce titre d’accepter l’action en justice d’un ancien ministre, défendeur dans l’affaire, demandant la révocation du juge Tarek Bitar. L’enquête, jusqu’à ce qu’une décision soit prise, est automatiquement suspendue.
Crédits photo : Le Premier ministre du Liban, Najib Mikati, à droite, s’entretient avec le président français, Emmanuel Macron, lors de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique (COP26) à Glasgow, en Écosse, lundi 1er novembre 2021 (Yves Herman/Pool via AP).