Les dirigeants libanais et saoudiens ont renoué le dialogue après le flottement diplomatique de novembre dernier.
Cette fois-ci, c’est libre de ses mouvements que Saad Hariri s’est rendu en Arabie saoudite. Du moins c’est ce qui est ressorti de la visite officielle, mercredi 28 février, du Premier ministre libanais à Riyad, où il s’est entretenu avec le roi Salman et son fils, le prince héritier Mohamed ben Salman (« MBS »). Le 4 novembre dernier, ce dernier avait contraint le fils de Rafik Hariri de démissionner depuis la capitale saoudienne, où il avait ensuite été retenu pendant un certain temps avant de rentrer au Liban le 22 novembre. Une « prise d’otage » diplomatique qui avait quelque peu secoué les relations entre les deux pays, et laissé craindre une légère déstabilisation des relations moyenne-orientales.
Conférences internationales
Rien de tel, donc, mercredi dernier. Selon Philippe Abi-Akl, journaliste à L’Orient-Le Jour, il se pourrait même que « des résultats positifs sur plus d’un plan » apparaissent très bientôt. « En effet, on estime dans certains milieux saoudiens que la crise de la démission de M. Hariri, qui avait sérieusement affecté sa relation personnelle ainsi que celle du Liban avec le royaume, n’était au final qu’une tempête dans un verre d’eau et ne saurait remettre en cause des relations de longue date entretenues entre les deux pays. » Qui n’avaient d’ailleurs jamais connu, auparavant, un tel revers.
Historiquement, Riyad a toujours contribué au bon fonctionnement du Liban, voire même à son prompt rétablissement. Après la guerre civile que le pays a connu entre 1975 et 1990, l’Arabie saoudite a versé au gouvernement libanais plusieurs milliards de dollars pour participer à sa reconstruction. Et, de manière générale, les sunnites ont toujours trouvé dans le régime saoudien un appui politique et économique ; Saad Hariri, à la tête du Courant du futur, sunnite, possède d’ailleurs la double nationalité, libanaise et saoudienne. « C’est donc un retour à la normale qu’aura réussi à générer la reprise de contact entre M. Hariri et les hauts responsables du royaume » estime Philippe Abi-Akl.
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Evidemment, tout ce qui s’est dit sous les ors du palais saoudien qui a abrité la rencontre n’a pas été divulgué. Mais il a été question des relations bilatérales entre les deux pays, ainsi que des conférences internationales d’aide au Liban, qui se tiendront prochainement. Le 15 mars, à Rome, doit avoir lieu un grand rassemblement de soutien à l’armée libanaise pour la sécurité dans la région ; le 6 avril, à Paris, c’est une conférence de soutien à l’économie du pays du Cèdre qui doit avoir lieu ; enfin, les 25 et 26 mai prochains, Bruxelles sera l’hôte d’un sommet consacré aux Etats qui accueillent des réfugiés syrien, comme le Liban – à hauteur d’un million environ.
« Erreur historique »
Alors que Riyad s’était engagée à verser 3 milliards de dollars pour épauler l’armée libanaise – comme d’autres pays du Golfe – cette aide a été mise entre parenthèses par le régime saoudien. La visite de Saad Hariri aura donc sûrement servi à relancer ce dossier côté libanais. D’autant plus que, comme l’indique Philippe Abi-Akl, « la France, chargée par l’Arabie saoudite d’assurer la fourniture des équipements militaires nécessaires dans le cadre de cette transaction, n’a jamais suspendu la chaîne de production de ces équipements dont la liste avait été préalablement établie et remise à l’Arabie saoudite par l’armée libanaise. »
Il aura également été question, mercredi dernier, de la politique intérieure au Liban, où des élections législatives auront lieu prochainement. Riyad critique régulièrement le parti chiite du Hezbollah, qu’elle accuse de militer pour les intérêts iraniens dans le pays – et même la région. C’est d’ailleurs pour dénoncer la trop grande ingérence du « Parti de Dieu » dans les affaires libanaises que Saad Hariri avait annoncé sa démission en novembre dernier. Un « coup » de l’Arabie saoudite, s’était-on exclamé à l’époque, qui souhaite aujourd’hui convaincre le Liban – et sa communauté chiite – qu’elle n’a aucun problème avec les confessions autres que le sunnisme.
D’après un proche du Premier ministre libanais cité par L’Orient-Le Jour, « dans l’entourage de MBS, il y a deux théories concernant le Liban. La première consiste à dire : ‘‘Il n’y a plus rien à tirer de ce pays qui est sous la coupe du Hezbollah, il faut le lâcher et arrêter les frais.’’ La seconde dit, au contraire : ‘‘Rien n’est perdu, ce serait une erreur historique de l’abandonner après y avoir autant investi’’. » Si « la première l’a emporté en novembre […] aujourd’hui c’est la seconde qui semble prédominer. » Une question demeure : est-on réellement libre, comme l’était a priori Saad Hariri lors de sa visite mercredi dernier, quand son hôte pilote tout en sous-main ?
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