Sénégal : face à la colère d’une partie de la jeunesse, la main tendue de Macky Sall

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06.05.2021

L’arrestation, le 3 mars dernier, d’Ousmane Sonko, l’un des principaux opposants au Président sénégalais Macky Sall, a déclenché une mobilisation d’une partie de la jeunesse sénégalaise. Relâché sous contrôle judiciaire le 8 mars, il conteste les faits qui lui sont reprochés (le viol d’une jeune femme de 20 ans), qu’il perçoit comme une « tentative de liquidation politique » téléguidée par le pouvoir. Face à la vague de contestation, parfois violente, Macky Sall, qui jouit d’une large assise populaire dans le pays, s’est tourné vers le dialogue et l’apaisement.

 

Cinq jours de crise profonde

 

Si les premiers heurts ont débuté le 8 février, au moment du dépôt de plainte contre Ousmane Sonko par une employée de salon de beauté, ils prennent une tournure beaucoup plus violente à partir du 3 mars, date de la convocation au tribunal du président du parti Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité (PASTEF). Un déchaînement inhabituel de colère dans un pays réputé pour sa stabilité politique. Pendant les manifestations, la France, considérée comme un soutien inconditionnel de Macky Sall, est aussi directement visée. Plusieurs enseignes françaises, comme Auchan, sont attaquées et certains magasins du groupe sont saccagés et incendiés. « Ce qui s’est passé est alarmant, parce que ce sont nous, les Sénégalais, qui travaillons ici » a déploré un employé d’un magasin Auchan dévasté et pillé par les manifestants au journal Le Monde en mars dernier. La fermeture des écoles a, par sécurité, aussi été décidée face à la montée des violences la seconde semaine du mois de mars. Les dégâts matériels causés par les émeutes sont, dans l’ensemble du pays, considérables.

Les violences se poursuivront pendant cinq jours pour s’achever le 8 mars. Cinq jours pendant lesquels le pouvoir a vacillé, sans pour autant tomber. Face au risque d’escalade, Macky Sall a arbitré en faveur du retour à la paix sociale et tendu la main aux opposants en les appelant au dialogue et à l’apaisement. Aux jets de projectile des manifestants ont, pendant de longues journées, répondu les tirs de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes des forces de l’ordre. Le bain de sang que certains craignaient de voir advenir n’a pas eu lieu, peut-être parce que les appels au calme de la communauté internationale et de différentes ONG ont été entendus. Un soulagement, pour la communauté internationale, qui n’a pas oublié la répression brutale menée contre les opposants à Alpha Condé dans la Guinée voisine, où les morts s’accumulent depuis déjà plusieurs mois.

Dans une allocution télévisée à destination des Sénégalais diffusée le 8 mars, Macky Sall a appelé ses compatriotes à « (taire) leurs rancœurs et (éviter) la logique de l’affrontement qui mène au pire ». Les chefs religieux chrétiens et, dans une plus large mesure, musulmans, ont aussi contribué au dégel des tensions. Si le Président sénégalais peut se targuer, après deux mandats, d’un bon bilan économique, avec une croissance soutenue et un développement massif des infrastructures, la jeunesse du pays reste en partie en difficulté. D’autant plus que, pendant la pandémie de Covid-19, le pouvoir a mis en œuvre de strictes mesures de restriction des déplacements qui, si elles ont permis d’éviter le pire — le pays compte à ce jour environ 1 100 morts —, ont assombri les perspectives des jeunes Sénégalais. Premier signe d’apaisement, l’allègement du couvre-feu, dans deux régions, dont Dakar, épicentre des violences. « La colère qui s’est exprimée ces derniers jours est aussi liée à l’impact d’une crise économique aggravée par la pandémie de Covid-19 », a expliqué le Président du Sénégal.

 

Mise en œuvre d’un cadre de dialogue pour l’insertion et l’emploi des jeunes

 

Le 22 avril, dans le cadre d’un Conseil présidentiel pour l’insertion et l’emploi des jeunes, Macky Sall se décide à rassembler l’ensemble des parties prenantes de la jeunesse, afin de dessiner les contours d’une politique volontariste en faveur de l’emploi et de l’insertion sociale. Plusieurs centaines de jeunes venus de tout le pays se pressent au Centre international de conférence Abdou Diouf, dans la périphérie de Dakar, pour présenter à Macky Sall et aux nombreux ministres convoqués leurs inquiétudes et leurs espérances pour l’avenir. Parmi elles, « la faible employabilité des jeunes dans le marché du travail, les difficultés d’accès au crédit, le problème d’adéquation entre la formation et l’emploi, (ou encore) l’insuffisance du matériel agricole, tracteurs, batteuses et faucheuses », explique Ousmane Mamadou Soumaré, venu de la région de Kédougou, à l’est du pays, à RFI. Pour Macky Sall, cet évènement permet aussi d’entrevoir la sortie de crise en annonçant un panel de mesures fortes et une réaction immédiate de l’administration.

La plus emblématique -et attendue- d’entre elles est sans doute la mobilisation d’environ 450 milliards de francs CFA, soit 675 millions d’euros, entre 2021 et 2023 afin d’améliorer l’accessibilité des jeunes à l’emploi. En ligne de mire, aussi, le recrutement de 65 000 jeunes dans la fonction publique et une politique plus affirmée de soutien à la formation et à la création des entreprises. Macky Sall annonce aussi que chaque département sénégalais sera, à l’avenir, doté d’une structure entièrement dédiée à l’emploi des jeunes. Autre victoire pour Macky Sall, la signature, le 9 avril 2021, d’un accord de « migration circulaire » avec l’Espagne, permettant à des jeunes Sénégalais de se rendre en Espagne avec un contrat de travail temporaire avant de revenir au pays, source d’une chaîne de transfert de compétences interne. En charge du programme d’urgence, le ministre de l’Économie du Plan et de la Coopération, Amadou Hott, affirme vouloir « accélérer la création d’emplois et d’auto-emplois, renforcer et élargir la formation professionnelle et pérenniser ce dialogue entre les jeunes, l’État et le secteur privé, promouvoir des investissements prioritaires créateurs d’emplois… ». Un véritable défi dans un pays où, chaque année, 200 000 jeunes arrivent sur le marché du travail.

 

 

 

 

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