Retour sur la visite d’Abdel Fattah al-Sissi en Ouzbékistan

Le président égyptien et son homologue ouzbek ont signé pour 400 millions de dollars de contrats notamment.

Cet article est le fruit d’une collaboration entre Le Monde Arabe et Novastan, membres du Collectif pour un Nouveau journalisme international.

Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi s’est rendu en Ouzbékistan les 4 et 5 septembre dernier. Une première dans l’histoire des deux pays depuis 1991, date à laquelle L’Egypte a été le premier Etat arabe à reconnaître l’Ouzbékistan indépendant. Le président ouzbek d’alors, Islam Karimov, s’était rendu au Caire dès 1992. Cependant, comme l’a noté l’actuel chef de l’Etat ouzbek, Chavkat Mirzioïev, les « possibilités non-utilisées sont immenses » dans les relations bilatérales entre les deux Etats. Cette visite présidentielle égyptienne, que les deux chefs d’Etats ont qualifiée d’historique, marque ainsi une reprise après le long trou noir depuis les années de rapprochement post-indépendance.

400 millions de dollars d’accord signés

Les deux présidents ont d’ailleurs souhaité l’ouverture prochaine de vols directs entre leurs deux pays, tandis que le président égyptien a formellement invité son homologue à venir au Caire. Au total, 12 accords bilatéraux et des contrats pour une somme totale de 400 millions de dollars ont été signés lors de la visite d’Abdel Fattah al-Sissi à Tachkent.

Mais au-delà des contacts commerciaux, la question sécuritaire semble avoir été prioritaire. Affirmant leur unité de vue sur la quasi-totalité des sujets internationaux, les deux leaders ont décidé d’échanger l’expérience de leur structures nationales respectives dans la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme religieux, en créant notamment un groupe de travail commun.

L’Ouzbékistan et l’Egypte main dans la main en Afghanistan ?

L’Ouzbékistan, qui a mis en place une nouvelle politique de dialogue avec les Talibans afin de régler le conflit afghan dès l’arrivée au pouvoir de Chavkat Mirzioïev fin 2016, semble avoir rallié le Caire à son initiative. Les deux parties ont effectivement annoncé être parvenues à un accord sur la nécessité de « réunir leur force pour établir la paix et la stabilité en Afghanistan », en conduisant notamment des consultations politiques communes entre leur ministère des Affaires étrangères.

En août 2017, l’ambassadeur afghan en Egypte, Fazlurrahman Fazil, déclarait à ce titre que le Caire et Kaboul sont confrontées au même ennemi, à savoir « le terrorisme et les idéologies extrémistes ». Le ralliement d’Abdel Fattah al-Sissi à l’initiative ouzbek était donc assez probable, d’autant plus que, selon Fazlurrahman Fazil, qui s’exprimait à l’occasion du 98ème anniversaire de l’indépendance du pays, les relations entre l’Egypte et l’Afghanistan sont « à leur meilleur stade dans l’histoire ». Le diplomate s’est notamment félicité du nombre d’étudiants afghans ayant reçu une bourse de la part d’une université égyptienne (500).

Lutte antiterroriste égyptienne en demi-teinte

En matière de lutte contre le terrorisme, en revanche, l’Egypte peine à enregistrer de bons résultats, contrairement à ce que déclarait l’ambassadeur afghan l’an dernier. Depuis des années, le pays est confronté sur son propre sol à des vagues de terrorisme qu’il contient tant bien que mal. Au mois d’août, les forces de sécurité égyptiennes ont ainsi tué douze djihadistes présumés dans la région du Sinaï (nord-est), où une vaste opération militaire anti-Etat islamique (EI), baptisée « Sinaï 2018 », a lieu depuis février dernier. Si l’armée annonce avoir tué plus de 250 djihadistes en près de 7 mois, elle compte également une trentaine de morts dans ses rangs.

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Depuis 2013 et la destitution du président Morsi (membre des Frères musulmans), la lutte contre le terrorisme – surtout dans la région du Sinaï – a fait plusieurs centaines de morts parmi les policiers et les soldats. Et n’a pas bonne presse à l’intérieur du pays. Les millions de livres engagées dans cette campagne n’ont pas empêché l’un des pires attentats de l’histoire égyptienne d’être commis, en novembre 2017, contre la communauté soufie. Et la population se sent de plus en plus oppressée, notamment parce que le gouvernement peine à cibler avec précision les menaces à la sécurité.

Une coopération religieuse renouvelée

La coopération universitaire et religieuse semble également avoir été au cœur de la rencontre. Les deux pays avaient signé dès 1993 des accords sur les affaires religieuse musulmanes, à une époque où l’Asie centrale post-soviétique recherchait l’expérience extérieure en matière religieuse après 80 ans de communisme. Le président ouzbek Chavkat Mirzioïev a, dès son arrivée au pouvoir, mené une politique religieuse assouplie, démantelant le système de contrôle strict des imams par les services de sécurité. Le nouvel homme fort tente ainsi de raviver l’aura religieuse des centres de la culture islamique de Boukhara et de Samarcande, avec pour but de créer un tourisme de pèlerinage.

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Lors de la visite d’Abdel Fattah al-Sissi, des accords sur l’établissement d’une coopération active entre l’Université d’Al-Azhar – considérée comme l’un des hauts lieux de l’islam sunnite et modéré – et d’autres institutions de recherches égyptiennes, ont ainsi été signés avec l’Académie internationale islamique d’Ouzbékistan, le Centre international de recherche de l’Imam Boukhari et le Centre pour la civilisation islamique d’Ouzbékistan.

 

Novastan

La rédaction

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