Et si la Tunisie et la France allaient pêcher ensemble, M. Macron ?

Que devrait faire la France pour conserver et améliorer sa relation stratégique avec la Tunisie ? Et, surtout, pourquoi ?

La relation franco-tunisienne se trouve actuellement à l’un de ces embranchements que chérit particulièrement l’histoire. Si l’une des voies mène à un destin commun prospère, la seconde peut la conduire vers un éloignement lent mais définitif. Que devrait faire la France pour conserver et améliorer sa relation stratégique avec la Tunisie ? Et, surtout, pourquoi devrait-elle le faire ?

En 2018, la Tunisie a d’ores et déjà été classée par The Economist Intelligence Unit (le groupe de recherche et d’analyse de l’hebdomadaire britannique) premier pays arabe en matière de démocratie, ainsi que premier pays africain et arabe en matière d’innovation par le Bloomberg Innovation Index.

Le pays est en train, sûrement, de se doter de lois et d’institutions constitutionnelles pour la transparence et la lutte contre la corruption. Qui s’ajouteront à la batterie d’atouts qu’il possède déjà, à savoir : un positionnement géographique stratégique, une main d’oeuvre qualifiée et une ribambelle de compétences dans le domaine de la recherche – scientifique notamment -, pour ne citer que ceux-là.

Ces facteurs réunis mènent selon moi vers une conclusion limpide : dans dix ans, la Tunisie sera «  the place to be » dans le bassin méditerranéen. Et la France, vu la relation historique qui nous lie, a une longueur d’avance sur ses concurrents internationaux, qui chercheront dans le futur à nouer des partenariats avec le pays. Rappelons simplement que chez Jean de La Fontaine, le lièvre, bien que taillé pour la course, n’a fini que second derrière l’insoupçonnable.

Comment l’Hexagone peut-il dès lors renforcer ses liens avec la Tunisie et éteindre toute éventuelle concurrence ? Car, autant vous le dire tout de suite, M. Macron, nous ne voulons pas du poisson français ; aidez-nous plutôt à construire nos cannes à pêche. Et peut-être même serons-nous amenés à pêcher ensemble. Oui, nous avons besoin de l’aide de la France – mais d’une aide qui permettra la mise à niveau de notre pays pour exploiter ses immenses atout.

« Réussi ensemble, aujourd’hui et demain »

Par exemple, il existe un énorme frein à notre développement économique. Son nom ? Le port de Radès. Son surnom ? « Le fardeau de l’Etat ». Après le départ de Ben Ali, sept chefs de gouvernement ont tenté de résoudre cet inextricable problème, où se croisent corruption, lenteur, banditisme syndical, entre autres. Résultat : la situation ne fait qu’empirer et l’installation portuaire coûte chaque année à Tunis près de 800 millions de dollars. L’aide passe aussi par les conseils avisés, parait-il.

En matière digitale, il est possible de penser un partenariat entre les deux pays pour faire de la Tunisie un hub numérique, à l’entrée d’un continent, l’Afrique, qui connait une accélération de son développement digital incroyable. Beaucoup de sociétés informatiques tricolores ont recours à la sous-traitance en Asie du Sud, par exemple ; pourquoi ne pas chercher à les conduire vers nos contrées, où la langue ne sera plus un problème, et où elles pourront s’appuyer sur les compétences tunisiennes ?

Concernant, enfin, le tourisme et le commerce, s’il est exagéré de prétendre que « nous avons les produits et vous le carnet d’adresses », la Tunisie mérite son titre de « lieu de villégiature privilégié » et fait partie, par exemple, des trois premiers producteurs mondiaux d’huile d’olive. Paris ne pourrait-elle pas aider le pays à gagner de nouveaux marchés – comme la Chine, le Japon voire les Etats-Unis – pour des retombées partagées ?

C’est, il me semble, ce que nos deux peuples peuvent attendre du renforcement des partenariats binationaux : des résultats « gagnant-gagnant ». N’est-ce pas l’idée qui sous-tendait le premier Forum Tunisie-France, sur le thème « Réussir ensemble, aujourd’hui et demain », lors de votre déplacement, chez nous, il y a quelques jours ?

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