La réforme, en cours au Parlement, a déjà suscité un tollé chez les chefs d’entreprise et certains fonctionnaires de justice.
Shraga Tichover raccroche son treillis. Après plus de trois décennies de réserve dans l’armée israélienne, le parachutiste déclare qu’il ne mettra plus sa vie en jeu pour un pays qui glisse vers l’autocratie, témoigne l’agence de presse américaine Associated Press (AP).
M. Tichover fait partie d’une vague d’opposition sans précédent, dans les rangs de l’armée israélienne, à un plan gouvernemental controversé visant à réformer le système judiciaire. Comme lui, certains réservistes refusent de se présenter au travail et d’anciens commandants défendent leurs actions comme une réponse naturelle au changement imminent.
« Les valeurs de ce pays vont changer. Je ne peux pas servir l’armée d’un État qui n’est pas une démocratie », a déclaré M. Tichover.
Le fait de défier les ordres de l’armée, sujet généralement tabou, souligne à quel point la réforme a divisé Israël, et déchire désormais ce que les juifs israéliens considèrent comme leur institution la plus respectée, l’armée. On craint de plus en plus que les protestations ne touchent également les jeunes conscrits, rapporte AP.
Éventuelle sanction
Dans une déclaration qui a provoqué une onde de choc dans tout le pays, trois douzaines de pilotes de chasse réservistes ont déclaré qu’ils ne se présenteraient pas à l’entraînement cette semaine en signe de protestation. Les aviateurs sont considérés comme la crème du personnel militaire et comme des éléments irremplaçables de nombreux plans de bataille israéliens.
Le chef d’état-major de l’armée, le lieutenant-général Herzl Halevi, aurait averti cette semaine le Premier ministre Benjamin Nétanyahou que la protestation des réservistes risquait de nuire aux capacités de l’armée.
Pour la majorité juive d’Israël, dont la plupart doivent servir dans l’armée, l’armée est une source d’unité et un rite de passage. Le service militaire est un tremplin important vers la vie civile et le monde du travail.
Après avoir effectué les trois années de service obligatoire, de nombreux hommes continuent à faire partie des réserves jusqu’à la quarantaine, lorsque le service devient volontaire. La plupart de ceux qui menacent d’interrompre leur service sont des volontaires, ce qui les met à l’abri d’une éventuelle sanction.
Procès pour corruption
Consciente de la menace qui pèse sur sa stabilité, l’armée a demandé à être tenue à l’écart du débat public passionné. Mais elle est devenue un élément central du débat sur le modèle israélien qui émergera après la réforme.
M. Nétanyahou, ancien soldat d’une unité d’élite, et son gouvernement, poursuivent un plan visant à affaiblir la Cour suprême et à limiter l’indépendance du pouvoir judiciaire. Ses alliés affirment que ces changements sont destinés à rationaliser la gouvernance, tandis que ses détracteurs estiment que ce plan bouleversera le système israélien d’équilibre des pouvoirs et fera glisser le pays vers l’autoritarisme.
Ils affirment également que M. Nétanyahou, qui fait l’objet d’un procès pour corruption, est motivé par une rancune personnelle et se trouve en situation de conflit d’intérêts. La réforme, qui est en cours au Parlement, a suscité un tollé de la part des chefs d’entreprise et des fonctionnaires de justice. Des dizaines de milliers de manifestants sont descendus dans la rue chaque semaine.
Tout le monde ne s’identifie pas aux soldats. Les critiques affirment que l’armée, en tant que garante de la domination d’Israël sur des millions de Palestiniens dans le cadre d’une occupation illimitée, a assujetti un autre peuple et érodé les idéaux démocratiques du pays. Les unités de réserve qui protestent actuellement, notamment les pilotes et les unités de renseignement, ont été à l’origine de frappes meurtrières ou de la surveillance de Palestiniens.
Crédits photo : Le Premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, à droite.