Deux ans après la présentation du plan Vision 2030 du Royaume d’Arabie saoudite, le pays affiche sa volonté de développer son offre touristique et culturelle par le biais du développement de la zone d’Al-Ula. La France sera un élément conditionnant pour le succès de cette stratégie.
À l’occasion d’un accord intergouvernemental signé début avril 2018, l’Arabie saoudite a confié à la France la responsabilité des fouilles archéologiques du site d’Al-Hijr, localisé dans la région d’Al-Ula. Premier site archéologique d’Arabie saoudite inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO en 2008, Al-Hijr comptabiliserait quelque 40 000 visiteurs depuis le début des années 2010, pour l’heure principalement des Saoudiens ainsi que des résidents étrangers du royaume. Ce nombre pourrait doubler avec l’assouplissement des conditions d’accès au site, et la possibilité d’obtenir une autorisation de visite sur place et pas seulement à Ryad.
Ryad entend désormais valoriser la richesse archéologique du royaume, ainsi que le soulignait Mohamed ben Salman dans son plan« Vision 2030 » (2016) : « Nous sommes fiers de la diversité culturelle et historique arabe et musulmane de notre patrimoine, et nous reconnaissons l’importance de la préserver ». Parmi les objectifs déclarés par le royaume figure ainsi celui de doubler d’ici à 2030 le nombre de sites archéologiques déjà classés par l’UNESCO. Une stratégie qui semble gagnante, au vu de l’inscription en juillet de l’oasis d’Al-Ahsa au patrimoine mondial.
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De fait, l’accord signé avec la France pour la gestion des fouilles archéologiques du site d’Al-Hijr fait partie d’un projet bien plus vaste pour développer un complexe de 22 000 km2 centré sur les activités touristiques et culturelles. La France jouera un rôle-clé pour le déploiement de ce chantier colossal, estimé entre 40,5 à 81 milliards d’euros. À cet effet, Gérald Mestrallet, ancien président du Conseil d’administration du groupe Engie, a été désigné fin 2017 « Président de l’agence française pour le développement de la région d’Al-Ula ». Cette structure française ad hoc — à l’image de l’Agence France-Museums Louvre-Abou Dabi — travaillera en partenariat avec la « commission royale saoudienne pour Al-Ula », présidée par le prince Bader ben Abdullah ben Farhan, cousin très proche du prince héritier, nommé ministre de la Culture début juin.
Pour Gérard Mestrallet, cet accord est « sans précédent », notamment par l’ampleur et la variété des domaines qu’il couvre : archéologie, offres culturelle et artistique, mais aussi infrastructures de transport, système d’adduction d’eau, énergies renouvelables, et enfin bien sûr formation des personnels. En somme, « tout ce que la France peut offrir en termes de valorisation du patrimoine ».
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Plusieurs difficultés restent toutefois à résoudre dans le cadre du lancement de ce projet et, plus largement, pour diversifier le tourisme en favorisant un tourisme non religieux en Arabie saoudite. Le développement du complexe d’Al-Ula implique notamment la formation professionnelle de personnels compétents. D’ores et déjà, une centaine de jeunes Saoudiennes et Saoudiens auraient été envoyés durant plusieurs mois en France pour bénéficier de l’expertise française dans le secteur touristique et être formés aux différents métiers d’un secteur économique prometteur. Reste à savoir si ce dispositif, qui s’inscrit plus largement dans la stratégie de « saoudisation » accélérée de l’économie, peut fonctionner à brève échéance vis-à-vis d’un public touristique allochtone potentiellement exigeant et créer une culture de l’efficacité qui laissait quelque peu à désirer jusque-là.

David Rigoulet-Roze, docteur en Sciences politiques, est enseignant et chercheur, ainsi que consultant en relations internationales, spécialisé sur la région du Moyen-Orient et rédacteur en chef de la revue Orients Stratégiques. Il est rattaché à l’Institut Français d’Analyse Stratégique (IFAS). Il est également chercheur associé à l’Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE) ainsi qu’à l’Institut européen de recherche sur la coopération Méditerranéenne et Euro-arabe (MEDEA) de Bruxelles. Outre de nombreux articles, il a notamment publié Géopolitique de l’Arabie saoudite : des Ikhwans à Al-Qaïda (Armand Colin, 2005) et L’Iran pluriel : regards géopolitiques (l’Harmattan en 2011). Il enseigne notamment la Géopolitique et les Sciences Politiques dans le supérieur.