La trêve estivale aura été de courte durée dans le Royaume Chérifien. Après l’annonce par le roi Mohammed VI le 30 juillet d’un remaniement ministériel et d’un changement de dirigeants à la tête de la plupart des institutions publiques ou parapubliques, le pays semble retenir son souffle.
« Nouveau modèle de développement » : en ce début septembre, la phrase est sur toutes les bouches des économistes du pays et des chefs de partis politiques. Elle est également dans toutes les têtes des prétendants à la commission ad hoc qui devrait être installée dans les prochaines semaines auprès du Palais royal pour redéfinir le modèle économique du pays. Il faut dire que le Maroc a connu au cours des vingt dernières années une croissance forte (autour de 4,5 %) et une politique d’investissements tous azimuts dans les infrastructures, ce qui en fait l’un des leaders du continent en matière de maillage autoroutier, ferroviaire, ou technologique.
De plus, le pays s’est engagé dans une stratégie qualifiée par Rabat de « diplomatie économique » en direction de l’Afrique subsaharienne, qui a vu les entreprises du Royaume se développer de manière très forte dans la zone ouest africaine, notamment dans la banque, la finance, les télécoms, ou encore l’immobilier. En 2017, le pays est devenu le premier investisseur dans le continent.
Les deux visages de la croissance marocaine
Cependant, ce développement important du Maroc au cours des deux décennies passées n’a pas fait que des heureux. Alors que de grands groupes multinationaux se constituaient, et que le pays avançait à marche forcée pour construire ses infrastructures, les écarts se sont aggravés entre les riches et les pauvres, et la classe moyenne, encore émergente a été prise par un effet « ciseau » qui a réduit son pouvoir d’achat, du fait notamment du coût de l’éducation et de l’enseignement privé. De l’avis de la plupart des experts qui s’expriment en cette rentrée chargée, la croissance substantielle enregistrée n’aurait pas été assez inclusive et qualitative, et les succès enregistrés dans des secteurs tels que l’automobile – deux usines en dix ans qui en font désormais le premier secteur exportateur du pays- n’ont pas suffi pour enrayer le déficit d’employabilité des jeunes, notamment en milieu urbain.
C’est dire si les prochaines semaines, qui devraient voir d’important changements à la tête de nombreuses institutions clés pour le modèle économique du pays, seront cruciales. Le succès de cette initiative dépend toutefois des tractations en cours au sein de la majorité gouvernementale, hétéroclite et divisée. À ce titre, le chef du gouvernement, Saad Eddine El Othmani, issu du parti islamiste modéré (Justice et Développement, PJD), ne dispose que d’une marge de manœuvre étroite, la presse marocaine se faisant l’écho de dissensions avec les autres chefs de partis politiques composant sa majorité.
