Egypte : après une année noire, les coptes célèbrent Noël dans le calme

Les chrétiens d’Egypte ont été touchés à plusieurs reprises, cette année, par Daech.

En Egypte, les fidèles coptes ont célébré Noël au milieu des uniformes et des armes. Samedi dernier, les forces de l’ordre étaient effectivement massées devant un grand nombre d’églises du pays, et aux abords notamment de la nouvelle cathédrale, située à l’est du Caire, où le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, s’était rendu pour l’occasion. Aux chrétiens orthodoxes qui lui lançaient des « nous vous aimons », le chef de l’Etat, qui a multiplié ces derniers temps les signes d’ouverture à leur égard, a répondu, depuis l’autel : « Nous vous aimons aussi ».

Peu représentés au gouvernement et s’estimant souvent marginalisés, les coptes, qui constituent 10 % des 96 millions d’Egyptiens, sont l’une des cibles privilégiées du terrorisme dans la région. Et ce depuis au moins un an. Le 11 décembre 2016, un attentat suicide non revendiqué contre une église du Caire, située non loin du siège du pape de l’Eglise orthodoxe, faisait 29 morts ; le 9 avril dernier, c’est l’organisation Etat islamique (EI) qui commettait un double attentat à la bombe, dans deux églises de Tanta, au nord de la capitale, et Alexandrie, tuant 45 personnes.

« Tensions historiques »

Quelques semaines plus tard, l’attaque d’un bus transportant des pèlerins vers un monastère copte, dans la province de Minya, faisait une trentaine de morts, dont deux enfants. Wassim Nasr, journaliste spécialiste de la question djihadiste, expliquait à l’époque que « L’Etat islamique essaie d’accentuer et de capitaliser sur des tensions historiques préexistantes entre coptes-sunnites et coptes-Etat. » Ceci dans le but de créer des tensions et des conflits inter-confessionnels, alors que Daech (acronyme arabe de l’EI) persécute depuis plus de trois ans toutes les minorités religieuses en Irak et en Syrie.

En Egypte, où « l’hostilité entre les chrétiens et les musulmans est […] forte », selon Romain Caillet, chercheur spécialiste de la mouvance djihadiste, « l’EI [en frappant les coptes] s’attaque aussi au régime, incapable de protéger les minorités. » Qui se sentent tellement menacées qu’elles sont obligées de fuir, comme c’est le cas des chrétiens orthodoxes, fuyant depuis environ un an le Nord-Sinaï où sont retranchés les djihadistes. Et où le gouvernement égyptien, de son côté, peine à intervenir efficacement.

Tour de vis sécuritaire

La raison ? Les combattants de Daech « y font des opérations militaires, frappent la police et l’armée, ils établissent des checkpoints dans les rues [et] une partie de la population les soutient » expliquait en avril dernier le chercheur. « Avec un tel soutien, ils pourraient s’étendre dans le reste du pays, comme ils l’ont fait en Syrie et en Irak. Le clivage confessionnel, c’est ce qui leur réussit. » Et les djihadistes ne sont pas près de désarmer. « Avec la perte des territoires en Libye et les divisions internes au sein de Boko Haram au Nigeria, les forces égyptiennes de l’EI vont rester pour longtemps la troisième plus grande section [de Daech] dans le monde. »

Lire aussi : La lutte antiterroriste égyptienne remise en cause

Le 29 décembre dernier, ultime acte d’une année noire pour la communauté chrétienne d’Egypte : un homme armé menait une attaque contre une église dans sud du Caire, faisant une dizaine de morts. De quoi dénoncer encore un peu plus l’inefficacité de la politique antiterroriste des autorités égyptiennes, qui se contentent d’un tour de vis sécuritaire sans réelle action de fond. Fin novembre, l’attentat le plus meurtrier de l’histoire moderne de l’Egypte faisait ainsi plus de 300 morts. Il était dirigé contre une autre minorité religieuse : les sunnites soufis.

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