Israël intensifie les démolitions de maisons à Jérusalem alors que la violence augmente

Le mois dernier, Israël a démoli 39 infrastructures palestiniennes à Jérusalem-Est, déplaçant plus de 50 personnes selon l’ONU.

L’agence de presse américaine Associated Press (AP) rapporte l’histoire qui est arrivée à la famille de Ratib Matar. Celle-ci s’agrandissait. Elle avait besoin de plus d’espace. Avant la naissance de ses petites-filles, aujourd’hui âgées de 4 et 5 ans, il a construit trois appartements sur un versant oriental surplombant le paysage ancien de Jérusalem. Cet entrepreneur en bâtiment de 50 ans a emménagé avec son frère, son fils, sa fille divorcée et leurs jeunes enfants – 11 personnes en tout, plus quelques oies.

Mais Ratib Matar n’a jamais pu mener à bien son entreprise en toute tranquillité : « À tout moment, les agents israéliens chargés de l’application du code pouvaient frapper à sa porte et tout lui enlever », précise AP. Ce qui est arrivé, le 29 janvier dernier, quelques jours après qu’un tireur palestinien a tué sept personnes à Jérusalem-Est — l’attaque la plus meurtrière dans la capitale contestée depuis 2008.

Le nouveau ministre israélien de la Sécurité nationale (extrême droite), Itamar Ben-Gvir, a demandé non seulement la fermeture de la maison familiale de l’assaillant, mais aussi la démolition immédiate de dizaines de maisons palestiniennes construites sans permis à Jérusalem-Est, entre autres mesures punitives. Et, quelques heures à peine après les commentaires de Ben-Gvir, les premiers bulldozers ont pénétré dans le quartier de Ratib Matar, Jabal Mukaber.

« Assiégée par Israël »

Pour de nombreux Palestiniens, le rythme accéléré des démolitions de maisons s’inscrit dans le cadre de la bataille engagée par le nouveau gouvernement ultranationaliste pour le contrôle de Jérusalem-Est, prise par Israël lors de la guerre du Moyen-Orient de 1967 et revendiquée par les Palestiniens comme la capitale d’un futur État indépendant. Une bataille qui se joue à coups de permis de construire et d’ordre de démolition, que les Palestiniens estiment ne pas pouvoir remporter.

« Notre construction est assiégée par Israël », a déclaré Ratib Matar, tandis que ses frères et ses fils se sont attardés près des ruines de leur maison, buvant du café amer et recevant des visiteurs comme s’ils étaient en deuil. « Nous essayons vraiment de construire, mais en vain », a-t-il dit à l’agence de presse américaine.

Le mois dernier, Israël a démoli 39 maisons, structures et commerces palestiniens à Jérusalem-Est, déplaçant plus de 50 personnes, selon les Nations unies. Soit plus d’un quart du nombre total de démolitions en 2022. M. Ben-Gvir, qui a publié sur Twitter une photo des bulldozers griffant la maison de Matar, estime « [combattre] le terrorisme avec tous les moyens à notre disposition ». Et, ceci, quand bien même la maison de la famille Matar n’a rien à voir avec les fusillades palestiniennes.

La plupart des appartements palestiniens de Jérusalem-Est ont été construits sans permis, difficiles à obtenir. Une étude de 2017 de l’ONU a ainsi décrit qu’il était « pratiquement impossible » de les sécuriser. Selon le rapport, la municipalité israélienne alloue peu de terres au développement palestinien, tout en facilitant l’expansion des colonies israéliennes. Peu de propriétés palestiniennes ont été enregistrées avant l’annexion de Jérusalem-Est par Israël, en 1967 — une décision qui n’est pas reconnue internationalement.

 

Crédits photo : Le mur de séparation entre Jérusalem et la Cisjordanie, haut de 8 mètres, vu depuis la vieille ville de Jérusalem (Wikimedia Commons).

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