En Algérie, les jeunes médecins s’estiment victimes de discrimination

Ils réclament notamment la fin du service civil obligatoire, comme pour tout citoyen algérien.

De violents affrontements ont éclaté, le 3 janvier dernier, entre des médecins résidents et des policiers, sur le parvis du plus grand CHU d’Alger, l’hôpital Mustapha Pacha. Des centaines d’étudiants, venus de plusieurs wilayas (divisions administratives dans certains pays d’Afrique, dont l’Algérie), ont effectivement mené une action de protestation, qui a vite tourné au drame quand les forces de l’ordre sont intervenues pour réprimer les manifestations.

Victimes de discriminations

« Nous étions en train de protester à l’intérieur de l’hôpital ce matin. À 10 h 30, quelques confrères ont tenté de franchir la porte. C’est à ce moment-là que la police est entrée dans l’enceinte hospitalière et nous a agressés à coups de matraque », a rapporté à Jeune Afrique Mohamed Taileb, membre d’un collectif de médecins résidents de l’hôpital universitaire.

Les agressions qui ont suivi et les multiples arrestations de médecins ont été dénoncées par les organisations de défense des droits de l’Homme, les agents de la profession et la population algérienne. Et en soutien à ses confrères, le Comité des médecins résidents d’Oran a décidé de surseoir ce mercredi au service minimum, y compris la garde et les urgences.

Les médecins résidents réclament effectivement de longue date une révision de leur statut qui les astreint à un service civil obligatoire de deux à quatre ans – pour lequel ils sont affectés dans une région reculée du pays et sans lequel ils ne peuvent obtenir leur diplôme – puis au service militaire d’un an sans aucune possibilité de dispense. Ils s’estiment de ce fait victimes de discriminations par rapport aux autres citoyens algériens.

« Travail informel »

De son côté, Amnesty International Algérie a dénoncé la répression policière sur sa page Facebook, affirmant que le droit de manifester est garanti par la loi suprême algérienne – ce que niaient les forces de l’ordre. « Nous dénonçons la répression de la manifestation organisée, aujourd’hui à Alger, par les médecins résidents. Le droit à la liberté d’expression et de manifestation pacifique est garanti par la constitution algérienne » s’est ainsi exprimée l’organisation.

Hier, Mokhtar Hasbellaoui, le ministre algérien de la Santé, est sorti de son silence pour réaffirmer la légitimité du service civil. « Selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé, il faut qu’il y ait une couverture sanitaire totale du territoire du pays. C’est ce qu’on appelle la couverture médicale universelle et c’est pour cette raison que je considère que le service civil est un grand acquis pour le malade et le citoyen algérien mais aussi pour le système de santé et pour le médecin algérien », a-t-il affirmé.

En guise de réponse, ce mardi 9 janvier a été désigné journée nationale de protestation, alors que le ministre de la Santé avait appelé, dimanche dernier, à « un dialogue responsable et constructif ». Difficile à trouver, donc, dans un pays qui consacre 10 % de sa dépense publique au secteur de la santé – contre 6 % pour le Maroc par exemple -, « devenu un gouffre pour les finances publiques » explique le sociologue Madani Safar Zitoun à Libération. Ceci à cause de « l’explosion du travail informel », qui représente environ 40 % de l’activité en Algérie.

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