En Irak, l’impasse post-électorale s’aggrave

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09.06.2022

« L’obstruction politique a un impact sur le travail du gouvernement et de l’État, et sape le moral des citoyens ».

Huit mois après les élections nationales, l’Irak n’a toujours pas de gouvernement et il ne semble pas y avoir de solution claire pour sortir de cette impasse. Les élites politiques se livrent à une concurrence acharnée pour le pouvoir, alors même que le pays est confronté à des défis croissants, notamment une crise alimentaire imminente résultant d’une grave sécheresse et de la guerre en Ukraine.

« Pour les Irakiens ordinaires, tout est retardé, pointe du doigt l’agence américaine Associated Press (AP). Le gouvernement intérimaire n’est pas en mesure d’effectuer des paiements cruciaux pour l’électricité ou d’élaborer des plans pour des investissements indispensables avant les mois d’été critiques ». Les investissements destinés à améliorer les infrastructures hydrauliques ont été suspendus, tandis que le chômage, les pénuries d’eau et les inquiétudes concernant la sécurité alimentaire suscitent la colère de la population.

Les élections ont été organisées plusieurs mois plus tôt que prévu, en réponse aux manifestations de masse qui ont éclaté fin 2019 et ont vu des dizaines de milliers de personnes se mobiliser contre la corruption endémique, les services médiocres et le chômage. Le vote a donné la victoire au puissant religieux chiite Moqtada al-Sadr et porté un coup à ses rivaux chiites soutenus par l’Iran, qui ont perdu environ deux tiers de leurs sièges et ont rejeté les résultats.

Des vengeances personnelles remontant à plusieurs décennies sont à la base de la rivalité chiite, opposant d’un côté al-Sadr et ses alliés kurdes et sunnites et de l’autre le Cadre de coordination, une coalition dirigée par les partis chiites soutenus par l’Iran, et leurs alliés. Au milieu se trouvent les indépendants, eux-mêmes divisés par les tentatives des factions rivales de les attirer dans l’un ou l’autre camp.

Pendant ce temps, la colère de la population irakienne s’accroît avec la flambée des prix des denrées alimentaires et l’aggravation des coupures d’électricité. « Ce n’est pas une question de pouvoir, c’est une question de survie », a déclaré Sajad Jiyad, un chercheur basé en Irak à la Century Foundation.

« Contrôle des ressources »

Le mois dernier, le Premier ministre intérimaire Mustafa al-Kadhimi a été contraint de quitter les funérailles d’un célèbre poète à Bagdad, après que des personnes en deuil ont commencé à scander des slogans anti-gouvernementaux et à lancer des projectiles sur les convois d’autres représentants du gouvernement.

« L’obstruction politique a un impact sur le travail du gouvernement et de l’État, et sape le moral des citoyens », a déclaré M. al-Kadhimi à la presse mardi, accusant l’impasse de faire obstacle à ses projets de réforme.

L’envoyée de l’ONU pour l’Irak, Jeanine Hennis-Plasschaert, a averti les dirigeants politiques irakiens le mois dernier que « la rue est sur le point de déborder », et regretté que les intérêts nationaux « passent au second plan derrière des considérations à courte vue de contrôle des ressources ».

Al-Sadr, dont le parti a obtenu le plus grand nombre de sièges lors des élections, n’a pas réussi à rassembler suffisamment de députés au Parlement pour obtenir la majorité des deux tiers nécessaire à l’élection du prochain président irakien, étape indispensable avant la désignation du prochain premier ministre et la sélection du gouvernement.

L’alliance tripartite d’Al-Sadr comprend Taqadum, un parti sunnite dirigé par Mohammed Halbousi qui a été élu président du Parlement en janvier, et le Parti démocratique kurde dirigé par Masoud Barzani. Le bloc a l’intention de former un gouvernement majoritaire, ce qui serait une première depuis qu’un système de partage du pouvoir basé sur le consensus a été introduit après l’invasion de l’Irak par les États-Unis en 2003 pour chasser le dictateur Saddam Hussein.

 

Crédits photo : Photo de Moqtada al Sadr sur un lance-roquettes trouvé par les forces de sécurité irakiennes lors d’un raid à An Najaf, dans la province d’An Najaf, en Irak, le 21 septembre 2004.

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