Emmanuel Macron espère une « politique inclusive » en Syrie et en Irak

En Syrie et en Irak va se poser la question de la réconciliation, dans une région où règnent les différences ethniques, religieuses et politiques.

A Abou Dabi, où il se rendait pour l’inauguration de l’antenne émiratie du Louvre, Emmanuel Macron n’a pas fait que parler d’art. Si « la beauté sauvera le monde », a-t-il déclaré en citant Dostoïevski – faisant écho au tropisme universaliste du musée –, un facteur devrait empêcher le Moyen-Orient de sombrer à court terme : la chute de l’organisation Etat islamique (EI), que le président français estime pour bientôt. « Nous avons gagné à Raqqa [la « capitale » syrienne de l’EI, ndlr] et les prochaines semaines et les prochains mois nous permettront, je le crois profondément, de gagner complètement sur le plan militaire dans la zone irako-syrienne » s’est-il adressé aux troupes françaises basées dans les Emirats arabes unis (EAU).

Daech (acronyme arabe de l’EI) a vu effectivement son territoire et son armée se réduire comme peau de chagrin ces derniers temps. Il ne reste aujourd’hui pas grand chose des 60 000 kilomètres carrés qu’il possédait en octobre 2014 ; après la perte successive de toutes les villes qu’il contrôlait – dont les dernières Deir Ezzor, en Syrie, et Al-Qaïm, en Irak – les djihadistes ont à présent la main sur un bout de désert de 4 000 km². Soit une perte d’environ 90 % de son territoire. Ses forces armées ont connu pareil sort : alors qu’ils étaient 50 000 combattants il y a trois ans, les effectifs ne comptent plus que 3 000 soldats aujourd’hui. Retranchés pour la plupart dans une bande de désert à la frontière entre les deux pays.

Victimisation

Pas de quoi triompher pour autant, selon Emmanuel Macron. Car « il n’en sera pas terminé pour autant de ce combat [après la victoire militaire]. La stabilisation dans la durée, la lutte contre les groupes terroristes seront d’indispensables compléments à la solution politique inclusive, plurielle, que nous voulons voir émerger dans la région » a-t-il déclaré sur la base navale d’Abou Dabi. Dans son viseur : le danger que continuent de représenter les quelques milliers de djihadistes restants, pouvant frapper à tout moment, au Moyen-Orient comme ailleurs. Samedi dernier, alors que Deir Ezzor était en passe d’être reprise à l’EI, un attentat à la voiture piégée dans la ville faisait plus de 75 morts et 140 blessés.

Le colonel Ryan Dillon, porte-parole de la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis, n’en pense pas moins. Les djihadistes « vont essayer de mener des attaques pour déstabiliser les autorités localement et poursuivre les opérations extérieures et médiatiques » alertait-il il y a quelques jours. « Soit en les organisant, soit en inspirant des assaillants à l’étranger pour conserver un vernis de légitimité ». C’est effectivement l’un des modus operandi de Daech : jouer sur la victimisation des musulmans sunnites dans la région – que le groupe prétend représenter – pour inciter au djihad et, ainsi, à frapper de quelque manière que ce soit les Etats engagés de près ou de loin sur le terrain.

Gageure

Comme l’explique Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste de la mouvance djihadiste, « ces gens-là [les combattants de l’EI, ndlr] sont dans une logique d’extension et non de repli. Le mouvement créé en 2006, avec quelques centaines de combattants sunnites irakiens, est aujourd’hui un mouvement global. » La raison : « Il y a une extension du logo, de la marque de Daech à travers le monde » estime-t-il. Afin de contrer cette fascination pour le fanatisme et éviter que certaines population, se sentant mises à l’écart, s’y soumettent, Emmanuel Macron plaide pour une politique qui prenne en compte toutes les voix.

Une gageure, tellement la zone irako-syrienne renferme de volontés divergentes, entre les aspirations étatistes des Kurdes et l’influence de l’Iran sur le régime de Damas. Mais une gageure nécessaire. Lors d’un colloque organisé au Sénat en mars 2016, autour du thème « Détruire l’Etat islamique, et après ? Les conditions d’un retour à la paix au Moyen-Orient », Andrea Riccardi, fondateur de la Communauté Sant’Egidio, association chargée de récolter des fonds pour les réfugiés, avertissait : « Le grand problème de la réconciliation est le savoir-vivre ensemble. Il faut pouvoir garantir une maison pour tous mais aussi la sécurité à chacun dans ces espaces ethniques, religieux et politiques. » Après la guerre, dit-on, la paix reste à gagner.

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