Malgré des preuves concernant l’utilisation d’armes chimiques par Damas, la communauté internationale n’intervient pas.
Les armes chimiques reviennent sur le devant de la scène médiatique. Le Conseil de sécurité des Nations unies (ONU) a examiné, lundi dernier, la question de l’utilisation présumée de telles armes en Syrie. Ceci alors que la Mission d’établissement des faits de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), s’apprête à rendre ses conclusions sur l’emploi, par le régime syrien, de produits chimiques toxiques à Douma (banlieue de Damas), le 7 avril 2018.
Stratégie de Bachar al-Assad
A l’époque, les ONG appartenant à l’opposition syrienne n’avaient pas hésité à pointer du doigt l’armée de Bachar al-Assad – soupçonné d’avoir recours aux armes chimiques depuis 2012. Quant aux médecins sur place, ils avaient estimé que le produit utilisé était du sarin, un gaz hautement toxique, inodore et invisible. La même substance que celle utilisée par le régime, selon les Occidentaux – dont la France -, le 4 avril 2017, lors du bombardement de la ville rebelle de Khan Cheikhoun (nord-ouest). L’OIAC avait alors ouvert une enquête sur l’utilisation d’armes chimiques par Damas, strictement interdite par la Convention d’interdiction des armes chimiques, qu’a d’ailleurs ratifiée le régime syrien en 2013.
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Ce dernier, bien épaulé par son allié russe, nie depuis toujours l’emploi d’un quelconque gaz contre les rebelles. De même qu’il réfute les allégations concernant la simple possession de telles armes. Le représentant syrien à l’ONU a ainsi affirmé, à maintes reprises, que le stock avait été « détruit en 2014 en Méditerranée, sur le navire américain MV Cape Ray. » Des propos loin de satisfaire la haut-représentante onusienne pour les affaires de désarmement, Izumi Nakamitsu, qui a déclaré, devant le Conseil de sécurité, que des « lacunes, incohérences et disparités » demeuraient concernant les déclarations de Damas sur les armes chimiques.
Des doutes qui ne manqueront pas d’être alimentés par la récente enquête de la BBC, d’après laquelle les produits toxiques font partie intégrante de la stratégie de Bachar al-Assad pour remettre la main sur son pays. Entre 2014 et 2018, il y aurait ainsi eu pas moins de 106 frappes chimiques, selon le média britannique, sur des zones coïncidant généralement avec les offensives de l’armée syrienne. En février dernier, déjà, François Delattre, le représentant permanent de la France auprès de l’ONU, affirmait de son côté que « le régime syrien a déjà été identifié comme responsable dans quatre [cas d’attaques chimiques] ». Tout comme son homologue américaine, Nikki Haley, qui avait violemment pris à partie la diplomatie russe sur l’emploi de gaz toxiques par son protégé syrien.
« Ligne rouge »
Lundi dernier, plusieurs membres du Conseil, dont le Koweït, le Royaume-Uni et la Bolivie, ont plaidé en faveur de la création d’un nouveau mécanisme international d’enquête. Le précédent mécanisme, conjoint à l’OIAC et à l’ONU (JIM), n’ayant pas été reconduit après le veto posé par Moscou le 24 octobre 2017. A ce sujet, les Pays-Bas ont déploré les « tentatives d’obstruction » de la Russie, qui exercerait une « pression » budgétaire sur l’OIAC, afin d’empêcher, potentiellement, la création d’un tel « mécanisme d’attribution de responsabilités ». Ce à quoi la France a rétorqué qu’il fallait confier davantage de moyens à l’Organisation, afin qu’elle remplisse sa mission.
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A ce titre, Izumi Nakamitsu s’est félicitée que des inspections aient lieu, en ce moment, dans les installations du Centre d’études et de recherches scientifiques de Barzah et Jamarayah. Tout en rappelant que le secrétariat de l’OIAC devait tout mettre en place afin d’identifier les responsables de l’utilisation d’armes chimiques en Syrie. Même si les Russes remettent en cause l’impartialité de cette mission – ils pointaient notamment du doigt le « parti-pris » et le « manque de professionnalisme » du JIM -, il n’y a pas de fumée sans feu. A de nombreuses reprises, en l’espace de quelques mois, plusieurs personnalités (diplomatique, médiatique et technique) ont affirmé que Damas avait utilisé des armes chimiques. Difficile de croire qu’ils aient avancé de tels propos sans raison.
Pourtant, l’ONU comme les Occidentaux continuent de se retrancher derrière l’OIAC et ses enquêtes, alors qu’ils pourraient hausser le ton et intervenir en Syrie. Les président américain et français ont toujours estimé que l’utilisation de gaz par l’armée syrienne entraînerait une riposte militaire – la fameuse « ligne rouge », terme souvent employé par Emmanuel Macron. Mais celle-ci – à l’exception d’une salve de frappes sur des installations chimiques, le 14 avril dernier, décidée après les événements de Douma – se fait toujours attendre. A la place, le petit manège diplomatique continue. Et l’hypocrisie aussi ?
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