Le plan Trump bafoue totalement le droit international en autorisant l’annexion par Israël des territoires palestiniens notamment.
La cause palestinienne avait pu paraitre délaissée, mise à l’arrière plan, ces dernières années, par les pays arabes. Ceci en raison du retour sur le devant de la scène de l’ennemi numéro un dans la région : l’Iran. Et des appels du pied conséquents de Donald Trump, ouvertement anti-Téhéran, à certains Etats de la Ligue arabe, les sommant de se ranger derrière sa vision pour un Moyen-Orient débarrassé des mollahs. Cette entreprise du président américain avait même pu déboucher sur un improbable réchauffement des relations entre Israël et l’Arabie saoudite. L’Etat hébreu autorisant par exemple, fin janvier dernier, ses ressortissants à se rendre dans le royaume saoudien, pour voyages d’affaires ou raisons religieuses – pour les Israéliens musulmans. Une avancée cependant tempérée par la diplomatie saoudienne, qui a affirmé juste après que « les détenteurs du passeport israélien ne peuvent pas visiter le royaume pour le moment ».
Samedi 1er février, quelques jours après que le président américain a dévoilé son « deal du siècle » pour résoudre le conflit israélo-palestinien, ces mêmes pays arabes, dont l’Arabie saoudite, sont apparus étonnamment unis et ont fait bloc contre le plan Trump, malgré de nombreuses contradictions, non seulement entre eux, mais également en leur sein. Ils ont rejeté à l’unanimité cette « vision » américaine – selon le terme employé -, qui promet, contre 50 milliards de dollars d’investissements et la création d’un simulacre d’Etat palestinien, morcelé et discontinu, sans véritable souveraineté, de valider toutes les annexions israéliennes en Cisjordanie depuis 1967, quand bien même elles seraient illégales du point de vue du droit international. Un camouflet, non seulement pour Donald Trump, mais également pour Tel-Aviv, dont le plan américain reprend quasiment une à une les exigences.
« Centralité de la question palestinienne »
Cette union, motivée notamment par le fait qu’Israël exercerait sa souveraineté sur la totalité de Jérusalem, qui abrite le troisième lieu saint de l’islam, l’Esplanade des Mosquées – remettant ainsi en cause le « statu quo » sur les lieux saints -, est une bonne chose. L’idée, au fond, n’est pas d’être pro-Palestiniens ou anti-Israéliens. Elle est plutôt d’être respectueux d’un droit international extrêmement malmené par le plan de paix de Donald Trump. Dont la « vision » a été comprise « par le gouvernement israélien comme un feu vert donné à la formalisation rapide de l’annexion unilatérale de la vallée du Jourdain et des colonies », rappelle François Dubuisson, chercheur au Centre de droit international de l’université libre de Bruxelles. Ce qui constitue selon lui « une preuve supplémentaire du mépris exprimé par l’administration Trump pour le respect des règles les plus élémentaires du droit international et du multilatéralisme ».
Tandis que le plan américain aurait pu prendre appui sur plusieurs résolutions de l’ONU, il n’en a rien fait. Il en a même pris le parfait contrepied. Dommage, car « contrairement à ce que prétend le ‘‘Plan’’, les résolutions de l’ONU énoncent bien l’ensemble des principes qui permettent de guider la résolution du conflit israélo-palestinien », estime le chercheur. Avec, entre autres : le droit à l’autodétermination du peuple palestinien (résolution 74/139 du 18 décembre 2019) ; l’obligation de retrait par Israël des territoires occupés au cours de la guerre du juin 1967 (résolutions 242 (1967) et 338 (1973) du Conseil de sécurité) ; la désignation de Gaza, de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est comme « territoires palestiniens occupés » (résolution 478 (1980) du Conseil de sécurité) ; l’illégalité des colonies israéliennes (résolutions 446 (1979) et 2334 (2016) du Conseil de sécurité) ; et, enfin, l’illégalité de l’annexion de Jérusalem-Est (résolution 478 (1980)).
Afin de manifester leur mécontentement, l’Arabie saoudite, pourtant proche des Etats-Unis version Donald Trump, et les Emirats arabes unis (EAU) ont annoncé qu’ils refusaient de collaborer à la « vision » américaine, et en particulier aux 50 milliards de dollars d’investissements sur dix ans promis dans les territoires palestiniens. La Jordanie, gardienne des lieux saints de l’islam, et donc de l’Esplanade des Mosquées, située dans la vieille ville de Jérusalem, en vertu du « statu quo » – qui la place sous administration du Waqf -, a également annoncé qu’elle pourrait remettre en cause le traité de paix signé avec Israël en 1994. Si bien que pour Jean-Paul Chagnollaud, directeur de l’Institut de recherches et d’études Méditerranée Moyen-Orient (IReMMO), « on voit bien le retour d’une forme de centralité de la question palestinienne » parmi les Etats de la Ligue arabe. Qui militent quelque part pour le respect du droit international. Quoi de plus naturel ?
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