De nombreux militants pour les droits humains, à leur sortie de prison, doivent s’engager à délaisser les réseaux sociaux.
L’une des plus éminentes militantes pour les droits des femmes en Arabie saoudite, Loujain al-Hathloul, a été convoquée par des responsables de la sécurité du royaume, dimanche, et informée d’une décision de la Cour suprême confirmant sa condamnation initiale, ont déclaré des proches à l’agence de presse américaine Associated Press (AP).
Les rebondissements de l’affaire Loujain al-Hathloul, condamnée à cinq ans et huit mois de prison, ont attiré l’attention de la communauté internationale et mis en lumière la répression plus large des militants des droits humains, en Arabie saoudite, ainsi que celle des personnes perçues comme des opposants au gouvernement, dirigé de facto par le prince héritier Mohammed ben Salman (dit « MBS »).
Loujain al-Hathloul faisait partie d’un groupe d’activistes très présents qui ont fait pression pour obtenir de plus grands droits pour les femmes, notamment celui de pouvoir conduire une voiture avant que l’interdiction ne soit levée à la mi-2018. Elle avait été libérée le 10 février après près de trois ans de détention – avec périodes d’isolement et des allégations de torture.
Cette décision, prise sur la base du temps déjà purgé, était intervenue quelques semaines seulement après l’investiture du président américain Joe Biden, qui avait promis de réévaluer le partenariat américano-saoudien et de défendre les droits humains. À l’époque, il avait salué la nouvelle de sa libération, la décrivant comme « la bonne chose à faire ».
Interdiction de voyager
Dimanche, sa sœur, Alia al-Hathloul, a déclaré à AP qu’on lui avait demandé de se présenter au bureau de la Direction générale des enquêtes du ministère de l’Intérieur, dans la capitale, Riyad, sans connaître la raison de cette convocation. Les conditions de sa libération comprennent une interdiction de voyager pendant cinq ans et trois ans de mise à l’épreuve.
De nombreux prisonniers saoudiens libérés sur la base d’accusations liées à leur activisme et à leur discours doivent également signer des déclarations avant de quitter la prison, s’engageant à ne plus tweeter ni poster sur les médias sociaux. Certains sont aussi régulièrement convoqués pour être interrogés pendant la période de probation.
Ces derniers jours, Loujain al-Hathloul a publié des messages à propos d’une campagne de défense des droits des femmes contre le harcèlement sexuel au Koweït et a abordé le sujet sensible de la normalisation des relations entre les pays du Golfe et Israël. Récemment, elle a écrit que nombre de ses amis saoudiens avaient cessé d’écrire sur Twitter.
« Quand ce cauchemar va-t-il prendre fin ? Je veux que mes amis reviennent ! », a-t-elle tweeté. Un certain nombre d’autres militantes des droits des femmes restent emprisonnées, notamment Samar Badawi, dont le frère Raif Badawi purge une peine de 10 ans de prison et a été fouetté en public en 2015, et Nassima al-Sada, une militante des droits de la province orientale.
Jamal Khashoggi
Selon des militants saoudiens, Mohammed al-Rabiah, qui avait publié sur Twitter un message en faveur du droit des femmes à conduire, a été condamné le mois dernier à six ans de prison. Il avait été arrêté lors de la vague de répression contre les militants des droits des femmes en mai 2018 et a donc déjà purgé trois ans de sa peine. Il était notamment accusé de « chercher à perturber le tissu social ».
Le groupe de défense des droits humains en Arabie saoudite, connu sous le nom d’ALQST, et d’autres personnes qui ont parlé avec ses proches, affirment que Mohammed al-Rabiah a subi des tortures pendant sa détention : il aurait été maintenu dans une petite armoire pendant plusieurs jours, suspendu par les pieds la tête en bas et battu jusqu’à perdre connaissance, affirme AP.
Selon les militants, tous ces exemples montrent que MBS continue de réprimer les défenseurs des droits humains dans le royaume. Le prince héritier, qui a été salué pour avoir introduit des réformes sociales et économiques, a simultanément fait face à des critiques internationales concernant le meurtre du chroniqueur du Washington Post, Jamal Khashoggi, au consulat saoudien à Istanbul en octobre 2018 par des agents proches.
Crédits photo : Loujain al-Hathloul, une éminente militante saoudienne des droits des femmes, a été convoquée pour être interrogée par la sécurité saoudienne trois mois après sa sortie de prison, a déclaré un proche dimanche 9 mai 2021 (Marieke Wijntjes/AP File).