Automne 2021 : l’organisation des premières élections législatives au Qatar se précise

Tribune de Sébastien Boussois sur les élections législatives au Qatar

Nous n’avons de cesse de désespérer du Moyen-Orient et de ses faibles avancées en matière de transition démocratique. L’agitation connue par un certain nombre de pays ces derniers temps ne doit pas occulter de timides mais réels progrès dans la région dont parlent peu les médias.

En effet, c’est un fait politique assez rare dans les pays du Golfe pour passer inaperçu et une avancée inédite en matière de démocratisation pour un de ceux-là, le Qatar. Il y a quelques mois, à l’occasion de l’ouverture de la 49e session du Conseil de la Shura (le Conseil Consultatif), l’Emir Tamim al Thani souhaitait franchir un nouveau pas dans l’ouverture et la pérennisation de la vie politique de son pays et annonçait la tenue à l’automne prochain d’élections législatives.

Ainsi, il justifiait sa décision d’organiser enfin des élections au sein du Conseil en octobre 2021 afin de « développer le processus législatif avec une participation plus large des citoyens ». Promis depuis longtemps, cette avancée est majeure : élargissement du pouvoir du Conseil, possibilité de révoquer des ministres, approbation du budget national, et rédaction des lois. Il sera prévu désormais l’élection au suffrage direct de 30 des 45 conseillers de la Shura. Le processus est enclenché.

Créé en 1972, un an après l’indépendance du pays, le Conseil consultatif (Shura), que l’on retrouve dans bon nombre de pays musulmans d’ailleurs, est chargé du pouvoir exécutif et de l’établissement du budget du pays. Il est donc essentiel à la bonne marche d’un Etat. Il se charge des projets de lois, mais également globalement de la politique économique sociale et culturelle du pays. C’est dire son pouvoir central et planificateur dans la conduite de l’Emirat afin de fixer les grands cap pour l’avenir.

Le Qatar emboite ainsi le pas du Koweït et de Bahreïn, où les parlementaires sont élus depuis plusieurs années, contrairement aux autres pays voisins avec qui Doha est sous tension depuis plusieurs années. Pour l’Emir Al Thani, et l’approche de la coupe du monde 2022, c’est l’occasion unique de montrer ; malgré de vives critiques à son encontre, de véritables avancées en matière de démocratie avec tous les projecteurs qui seront braqués sur le pays à cette occasion. On pourrait en espérer autant de ses voisins et qu’il fasse, qui sait, des émules.

Avec ce scrutin, maintes fois repoussé, l’émirat ajoute plus de participation et une transparence tout à fait nouvelle à son système politique. Le Qatar veut se présenter comme un État réformateur à un an de la Coupe du monde de football. Donc en se dotant, depuis le jeudi 29 juillet dernier, d’une loi électorale, le pays a lancé ce processus historique pour de bon. Pour autant, dans une région sensible, les domaines décisifs de la défense, de la sécurité, de l’économie et des investissements, resteront étroitement lié à l’exécutif.

Pendant les élections à venir, les candidats pourront se présenter de façon indépendante. Ils doivent cependant être majeurs, issus de familles dont les grands-parents sont nés sur le sol qatari, et ne concernent donc pas une large partie de la population. C’est assurément une première étape, dans un pays où la population immigrée représente 80% mais dont la destinée est conduite par les familles et tribus majoritaires.

> Réflexions de Sébastien Boussois sur le scandale Pegasus, à retrouver dans Le Monde arabe.

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