Qui va gouverner et qui sera dans l’opposition ? Quelle forme aura le futur gouvernement ? Les tractations en cours ne seront sûrement pas dans l’intérêt du pays qui croule dans la crise et l’inertie.
Récemment, une rumeur persistante selon laquelle le candidat Nabil Karoui aurait signé un contrat d’un montant d’un million de dollars, somme dépassant le seuil des dépenses de campagne autorisées à un lobbyiste, a divisé le pays en fonction du positionnement politique des uns et des autres.
En effet, le département de la Justice américain a publié un document prévoyant l’intervention de la société de consulting politique Dickens & Madson Canada Inc. de Nabil Karoui. Le document publié par le site Al-Monitor comprend un contrat signé par un tiers au profit de Karoui. La société de consultants s’y engage à « faire du lobbying aux Etats-Unis, en Russie, à l’ONU (…) afin d’obtenir la présidence de la République tunisienne ».
Lobbying manifeste
Outre, le problème du dépassement du seuil de financement autorisé par la loi électorale, cette société est dirigée par Ari Ben Menashe, un ancien agent israélien des services de renseignements, un marchand d’armes, qui occupait le poste de conseiller auprès d’un ancien chef de gouvernement israélien.
Si cette affaire vient menacer le processus électoral déjà perturbé sur fond de l’arrestation du candidat à la présidentielle de ce publicitaire et magnat de l’audiovisuel, une autre partie est menacée… l’Algérie qui sombre déjà dans une crise politique sans précédent.
En effet, à voir comment le lobby UE, FMI s’est acharné à appeler à la mise en liberté de Karoui comme si cet homme qui utilise sa chaîne Nessma TV pour y faire de la propagande gratuite depuis 8 ans et qui avait d’ailleurs un poids considérable dans le parti du président décédé Béji Caid Essebsi, on se demande quel est l’intérêt de l’Europe et en particulier de la France dans la libération de Karoui.
L’intérêt des députés français à l’instar de Jean Christophe Lagarde et M’jid el Guerrab, du groupe Libertés et territoires (LT), qui ont appelé à la relaxation de Karoui et ont dressé un diagnostic alarmant de la situation avant de souhaiter connaître, de la part du chef de la diplomatie, la position de la France. Cette proposition ne serait elle pas issue du même lobby français pro sioniste traduisant une ingérence dans les affaires internes tunisiennes aspirant à placer leurs pions et à ancrer davantage leurs racines en Tunisie où le Mossad a déjà ses antennes ce qu’on a compris suite à l’assassinat de Mohamed Zouari lorsque des chaînes israéliennes se baladaient tranquillement en face du ministère de l’intérieur tunisien sans aucune autorisation avec un crime resté impuni et une énigme toujours pas élucidée.
L’Algérie cernée
Toutefois, quand on sait que 2 000 touristes israéliens sont entrés en Tunisie sans être dérangés sous l’égide du ministre de tourisme Monsieur René Trabelsi, on comprend que le lobby juif israélien ne lâchera pas ce pays facilement. La fin justifie les moyens et tous les arguments sont bons pour avoir à la tête du pays un candidat qui serait aux ordres de ces lobbys protégeant l’intérêt de ces parties qui veulent garder un pied à terre en Tunisie mais pas que.
L’enjeu géostratégique est grand, l’Algérie dont le voisin marocain ne semble avoir aucun problème avec ce genre de lobbying qui contribue beaucoup à son développement sur le plan de l’économie et du tourisme était assez « tranquille » jusque là lorsqu’il s’agissait de la Tunisie. Quid des conséquences si un homme normalisant avec Israël accédait à la présidence tunisienne et usait de ses prérogatives en tant que commandant suprême des armées pour leur céder le passage vers l’Algérie ?
Une Algérie, au pouvoir inconfortablement assis, et des leaders se trouvant sur des sièges éjectables, un Etat que jamais vulnérable et une proie facile à un occident en quête de nouveaux marchés et difficile à rassasier la draguant depuis toujours.
« Accord de paix »
Dans la région, d’autres pays pourraient tendre la main à Israël. Si le Mali lui a déjà ouvert la porte après une rupture des liens qui a eu lieu en 1973. Le rapprochement s’annonce déjà à travers une rencontre officielle entre le premier ministre malien Soumeylou Boubeye Maiga et le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu.
Par ailleurs, Israël et le Tchad ont décidé de rétablir leurs relations diplomatiques rompues en 1972, à l’occasion d’une visite dimanche à N’Djamena du Premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou.
La Libye aussi serait à l’ordre du jour dans le plans machiavélique de ce même lobby ; il n’est d’ailleurs par étonnant que le contrat signé par Karoui avec le lobbyiste stipule notamment son intervention en faveur d’une « sortie de crise » en Libye qui coûtera sûrement cher au peuple libyen et à tout le continent.
Nonobstant, les liens qui se solidifient de jour en jour entre l’Etat sioniste et les pays du Golf avec qui il cherche à nouer des pactes de « non-agression », prélude selon Israel Katz, ministre israélien des affaires étrangères à de futurs « accords de paix ».
D’ailleurs, les choses commencent à bouger de ce côté. Après des décennies d’hostilité, ces derniers mois les lignes ont bougé: les Etats du Golfe, à l’exception du Qatar, sont désormais davantage préoccupés par ce qu’ils perçoivent comme une menace iranienne –une inquiétude qu’ils partagent avec Israël, pour qui Téhéran est la bête noire.
C’est dire que la possible élection d’un homme aussi dangereux que Karoui en Tunisie résonnera dans toute la région et sera une porte d’accès facile à l’Algérie, le pays tant convoité. Une chose est sûre, avec une éventuelle élection de cet homme, l’Algérie devra redoubler de vigilance.
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Mounira Elbouti est doctorante et enseigante à l’IMT Business School. Elle s’intéresse à l’analyse de l’évolution des sociétés maghrébines post-« printemps arabe » et s’est spécialisée dans les questions de genre, de leadership et de transformation digitale. Elle a déjà collaboré avec le HuffingtonPost Maghreb, Le Mondafrique, Tunis Hebdo et Liberté Algérie.