Le Liban affronte en ce moment une crise économique sans précédent et des manifestations anti-gouvernementales.
Faiqqa Homsi, rapporte l’agence américaine Associated Press (AP), vit dans un bidonville construit de manière précaire sur les rives d’une rivière aux eaux souillées du Liban. Mère de 5 enfants, elle voit l’avenir de sa famille s’assombrir de plus en plus, dans un pays foudroyé par la crise économique notamment.
Elle qui comptait déjà sur les dons et l’aide alimentaire pour s’occuper de l’un de ses bébés atteint d’un cancer. La crise du coronavirus et la fermeture généralisée qu’elle a entraînée l’ont privée du salaire de son mari, chauffeur de bus scolaire. Même le presse-agrumes qu’elle a reçu d’une association caritative ne lui sert plus. Avec l’effondrement de la livre libanaise, elle ne peut même plus s’acheter de carottes, dont elle tirait un jus qu’elle vendait.
Chômage
« Tout se ferme devant nous », dit Faiqqa, impuissante. Comme elle, les Libanais apparaissent de plus en plus désespérés à mesure que les emplois disparaissent et que la valeur de leurs économies s’évapore. Ceci dans un fatras d’événements tragiques qui s’accumulent, rappelle l’agence de presse américaine. « Une crise économique sans précédent, des protestations à l’échelle nationale et la crise du coronavirus s’imposent comme autant de menaces à la stabilité du pays, les plus grandes depuis la fin de la guerre civile en 1990 ».
Et l’effondrement guette à chaque instant. Surtout à Tripoli (nord), la deuxième ville du pays, celle de Faiqqa Homsi. A majorité sunnite, elle compte plus de 700 000 habitants et a souffert de nombreuses années de négligence. Elle est aujourd’hui stigmatisée comme un lieu de violence et d’extrémisme, ainsi que d’une grande pauvreté. « La misère galopante fait de Tripoli un baril de poudre », selon Sarah El Deebap, journaliste pour AP.
Même avant la succession des crises que connait actuellement le « Pays du Cèdre », la quasi-totalité de la main d’œuvre de la ville dépendait des revenus journaliers, 60 % des travailleurs se faisant moins d’1 dollar par jour. Plus de la moitié des familles étaient catégorisées comme pauvre, manquant des services de bases, éducation et santé entre autres, rapporte Suheir Ghali, un professeur des universités qui a conduit une étude sur Tripoli.
D’après AP, la situation ne s’améliorera pas de sitôt, alors que l’économie libanaise se contracte. Il y a déjà 45 % de la population considérée comme pauvre ; la monnaie a perdu près de 60 % de sa valeur par rapport au dollar ; le taux de chômage a grimpé jusqu’à 35 %, soit près du double des chiffres américains actuels (14,7 %), qui rivalisent avec les taux enregistrés après le krach boursier de 1929.
Divisions
Les divisions au sein de la direction du Liban, où le sectarisme confessionnel est la règle depuis des décennies, entravent évidemment les tentatives de résolution de la crise. Le Hezbollah (chiite, soutenu par l’Iran), qui domine le gouvernement, a soutenu « à contrecœur » les plans visant à demander l’aide du Fonds monétaire international (FMI), signe de son inquiétude face à l’aggravation des difficultés. Le soutien de l’institution financière internationale devrait entraîner des coups dans le secteur public, le plus gros employeur du Liban, ce qui risque de provoquer des querelles entre les factions politiques.
Le Premier ministre, Hassane Diab (sunnite), a le soutien du Hezbollah mais n’est pas très bien vu dans son propre camp, ni à Tripoli. La deuxième ville du pays a été propulsée au premier plan des protestations anti-gouvernementales qui ont éclaté en octobre dernier. Ses rassemblements médiatisés ont inspiré d’autres manifestants, qui l’ont même appelée la « mariée » du soulèvement. Et les protestations ont repris à la fin du mois dernier, encore plus violemment, ciblant en particulier les banques. Un manifestant a été tué à Tripoli après que l’armée a interrompu un rassemblement.
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Crédits photo : Faiqqa Homsi tient dans ses bras sa fille Maya, atteinte d’un cancer, chez elle, dans le nord de Tripoli, au Liban. AP Photo/Hassan Ammar
