Il est possible que la crise sanitaire apporte à l’Egypte de nouvelles opportunités en termes de productions agricoles.
L’agriculture, qui représente un quart des emplois en Égypte et près de 12% de son PIB, apparaît comme l’un des secteurs-clés de l’économie nationale. La forte croissance démographique et la demande extérieure invitent naturellement le pays à intensifier son activité agricole, de grands projets d’irrigation et de mécanisation le long du Nil, particulièrement dans la région du Delta, étant menés depuis les années 1990 en ce sens, soutenus par d’importantes subventions d’État, en faveur de l’export notamment.
Dans la continuité des programmes gouvernementaux des années 1960, à l’initiative de Nasser qui entend conduire une « révolution verte » en engageant producteurs et investisseurs vers la conquête du désert occidental, pour prévenir en partie la surexploitation et les risques de pollution hydrique dans le Delta, l’Égypte aura su maintenir une politique agricole sociale et responsable par l’intégration de la petite paysannerie traditionnelle aux activités des grandes firmes agroalimentaires, conjuguant équitablement protectionnisme et libéralisme, à la différence de nombreux pays peu soucieux de leur identité agraire historique et locale, ou en proie à la mainmise capitaliste de multinationales sans scrupules, alimentant un mondialisme sauvage, exclusif et discriminant.
2 millions de tonnes d’oranges
À côté du miraculeux « blé d’Osiris » (aujourd’hui majoritairement importé, à hauteur de 60% de la consommation du pays, de Russie et de France en particulier), de l’antique et traditionnelle molokhiya (plante potagère s’apparentant à la corète), et des récoltes destinées prioritairement au marché national — les incontournables foul (fèves), le riz, la betterave et la canne à sucre, le maïs, l’orge, les pommes de terres, dattes, mangues, figues, noix, grenades, melons, pastèques, bananes, tomates, le raisin, l’ail, les oignons, courges, choux, aubergines, artichauts et haricots verts entre autres —, notons l’essor cette dernière décennie, parmi les marchandises habituellement exportées — pétrole brut, gaz naturel, or, cuivre, aluminium, engrais et produits chimiques, coton et textile — de la production d’agrumes, en vue de répondre précisément aux nouveaux besoins internationaux, notamment asiatiques.
En 2018, l’Égypte était classée au sixième rang mondial (derrière le Brésil, l’Inde, la Chine, le Mexique et l’Espagne) des producteurs d’agrumes (oranges, citrons, limes, tangerines, mandarines, clémentines, satsumas, pamplemousses et pomélos), avec près de 4,3 millions de tonnes produits, dont 1,3 million destiné à l’export.
Le marché des agrumes égyptiens, dont la production s’avère en constante hausse depuis 2012 (à raison d’environ 0,2 million de tonne de fruits supplémentaire par an), est dominé par les oranges (70% de la production), récoltées pour la plupart des variétés (Navel, Baladi, Sukkari et oranges sanguines) de novembre-décembre à fin mars ; la Valencia étant plus tardive (de février à juillet).
Parmi les principaux importateurs du marché des oranges égyptiennes figuraient en 2018 la Russie (qui avait décrété en 2014 un embargo alimentaire sur les produits européens suite aux sanctions économiques imposées dans le contexte de la crise ukrainienne), l’Arabie saoudite, les Pays-Bas et la Chine, vers laquelle les envois se sont considérablement multipliés ces dernières années.
Entre 2016 et 2018, l’Égypte a planté 21 000 hectares d’orangers, dont une bonne partie est arrivée aujourd’hui en phase de maturité, en comptant désormais 150 000 hectares. Au cours de l’année 2019, le pays aura ainsi exporté près de 2 millions de tonnes d’oranges, pour des recettes estimées à 660 millions de dollars.
Épidémie de Covid-19
Malgré l’épidémie de Covid-19 qui bouscule les marchés agroalimentaires, le pays se classe aujourd’hui, grâce à ses efforts continus et rigoureux de respect des normes internationales autant qu’à la qualité et au coût attractif de ses fruits, au premier rang mondial des exportateurs d’oranges devant l’Espagne, comptant ainsi pour 40% des expéditions globales de l’agrume en 2019.
Il est par ailleurs possible que la crise actuelle apporte à l’Égypte, qui aura su, par ses efforts notables de stabilisation monétaire, regagner la confiance des investisseurs étrangers, en s’attirant les faveurs de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international et la considération des différentes agences de notation, de nouvelles opportunités en termes de productions agricoles.
Deuxième culture d’exportation du pays, la pomme de terre devance celle des oignons séchés, destinés notamment aux Pays-Bas, à l’Allemagne et au Japon. Selon un récent rapport du ministère de l’Agriculture égyptien, la liste des denrées agricoles majoritairement exportées comprend ensuite le raisin, la grenade, l’ail, la mangue, la fraise, le haricot, la goyave, le concombre, le piment et l’aubergine.
À la différence de nombreux pays rigoureusement alignés sur les directives de l’Organisation mondiale de la santé, qui ont fait le choix, quant à la gestion de la crise sanitaire, d’une politique ultra-sécuritaire visant à appliquer des mesures strictes de confinement de la population, paralysant aveuglément de larges pans de leur économie, l’Égypte aura elle privilégié un maintien raisonné de ses activités et une reprise rapide du tourisme domestique notamment, dans l’attente de la réouverture estivale de ses frontières, bien que la saison s’annonce à nouveau fortement compromise pour le secteur, que le gouvernement continue de soutenir financièrement, par certaines réductions accordées aux hôtels, sites historiques, musées et compagnies aériennes en vue d’encourager les visiteurs étrangers à venir profiter des charmes du pays.
L’avenir proche nous dira quelle était, au regard des conditions socio-économiques héritées des diverses politiques de gestion de crise — désormais familières à l’Égypte, forte de ses expériences successives de sursaut national — à travers le monde, la plus sage ou la plus viable des options, après retombée de l’émotion populaire et critique nécessaire du totalitarisme politico-médiatique occidental, qu’un rapport complet [mais non officiel, ndlr] du ministère allemand de l’Intérieur a récemment dénoncé, présentant — scientifiquement et statistiquement — la pandémie de Covid-19 comme une « fausse alerte mondiale », avant d’être rapidement étouffé…
Lire aussi : Égypte : de la gestion du bien commun
Crédits photo : DR

Reporter photographe indépendant et enseignant basé au Maroc, Rorik Dupuis Valder a notamment exercé en Égypte auprès des enfants des rues, s’intéressant particulièrement aux questions liées à l’éducation, la protection de l’enfance et aux nouvelles formes de colonialisme.