La conduite d’une enquête indépendante est-elle envisageable après l’attaque saoudienne ?
Lise Grande, la coordinatrice des Nations unies (ONU) pour les affaires humanitaires au Yémen, avait prévenu. « Nous l’avons déjà dit et nous le répétons : les parties au conflit sont obligées de faire tout ce qui est possible pour protéger les civils […]. Il ne s’agit pas d’un engagement volontaire [mais] obligatoire pour tous les belligérants. » Y compris pour l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition armée qui épaule depuis mars 2015 le gouvernement yéménite, en fuite, dans son combat contre les rebelles houthistes.
« La suspension des opérations militaires »
Jeudi dernier, plusieurs dizaines de personnes, dont au moins 29 enfants, ont été tuées, dans la province de Saada (nord-ouest), fief historique des Houthis, par une frappe aérienne menée par Riyad. Qui, dans un communiqué, a qualifié l’attaque d’ « opération militaire légitime », visant les responsables de tirs de missiles ayant provoqué des pertes civiles, la veille, dans la ville saoudienne de Jaizan (sud). Une réponse « horrible et totalement inacceptable » selon Mme Grande, qui déplore également l’enlisement du conflit.
« Les coûts de cette terrible guerre sont de plus en plus élevés » a-t-elle effectivement indiqué dans un communiqué publié vendredi. Depuis 2015, plus de 28 000 Yéménites ont été tués ou blessés, et 22 millions de personnes – soit 75 % de la population du Yémen – ont besoin d’une aide humanitaire. « Nous devons nous réveiller et voir la réalité de ce qui se passe au Yémen » a estimé Lise Grande, ajoutant que « 8,4 millions de Yéménites souffrent de faim aiguë et 7 millions de malnutrition. »
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Récemment, c’est à Hodeïda (est), première ville portuaire du pays par où transite 70 % des importations, que les combats se sont intensifiés. Deux mois après le début d’une offensive menée par la coalition saoudienne – pour déloger les Houthis -, celle-ci a perpétré une attaque il y a quelques jours contre un marché aux poissons et un hôpital, faisant plusieurs dizaines de morts. Ce qui avait poussé la diplomatie française à exiger « la suspension des opérations militaires sur cette ville ».
« La triste vérité »
Après l’attaque de jeudi dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a de son côté indiqué qu’il souhaitait une enquête « crédible et transparente » sur le raid aérien. Un peu plus tôt dans la journée, l’Arabie saoudite avait annoncé que la coalition mènerait sa propre enquête sur l’attaque. Ce qui a provoqué l’ire d’Akshaya Kumar, la directrice adjointe de Human Rights Watch (HRW) pour l’ONU. « La triste vérité est que l’on a donné aux Saoudiens l’opportunité d’enquêter eux-mêmes et les résultats sont risibles » a-t-elle déploré.
HRW aurait préféré l’ouverture d’une enquête indépendante, tout comme le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. Ce qui n’arrange pas les affaires des membres permanents du Conseil de sécurité, dont la France ? Paris se trouve régulièrement taxée d’hypocrisie, accusée, d’un côté, de vendre des armes à l’Arabie saoudite – qui se retrouvent utilisées au Yémen -, de l’autre de regretter l’escalade de la violence dans le pays. Où plus de 10 000 personnes sont déjà mortes en trois ans.
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