Les autorités ont annoncé que le prince héritier, Salman ben Hamad al-Khalifa, deviendrait Premier ministre.
Le prince Khalifa ben Salman al-Khalifa du Bahreïn, l’un des plus anciens Premiers ministres du monde, à la tête du gouvernement de son pays pendant des décennies et qui a survécu aux manifestations du printemps arabe en 2011 – qui exigeaient son éviction en raison d’allégations de corruption -, est décédé mercredi à 84 ans.
La puissance et la richesse du prince Khalifa étaient sues et vues de tous, dans cette petite nation au large des côtes d’Arabie saoudite, qui abrite la 5ème flotte de la marine américaine. Son portrait officiel a été accroché pendant des décennies sur les murs aux côtés du dirigeant du pays. Il avait sa propre île privée où il rencontrait des dignitaires étrangers, ainsi qu’une marina et un parc où vivaient des paons et des gazelles.
Le prince représentait un style plus ancien de leadership dans le Golfe, qui accordait des faveurs et du patronage pour soutenir la famille sunnite Al-Khalifa. Ce style sera remis en question lors des manifestations de 2011 par la majorité chiite de l’île et d’autres personnes, qui ont manifesté contre lui en raison d’allégations de corruption de longue date entourant son règne.
Bien que moins puissant et plus fragile ces dernières années, ses machinations ont tout de même attiré l’attention du royaume alors qu’une nouvelle génération se bouscule pour le pouvoir. « Khalifa ben Salman représentait la vieille garde de bien d’autres façons que par son âge et son ancienneté », a déclaré Kristin Smith Diwan, chercheuse résidente à l’Institut des États arabes du Golfe, basé à Washington. « Il représentait une vieille compréhension sociale enracinée dans les privilèges royaux et exprimée par le biais du mécénat personnel », selon elle.
Le prince Khalifa est né au sein de la dynastie Al-Khalifa, qui, depuis plus de deux siècles, règne sur Bahreïn, une île du golfe Persique dont le nom en arabe signifie « les deux mers ». Fils de l’ancien souverain de Bahreïn, le cheikh Salman ben Hamad al-Khalifa, qui a régné de 1942 à 1961, le prince a appris la gouvernance aux côtés de son père, l’île étant restée un protectorat britannique.
Le frère du prince Khalifa, le cheikh Isa bin Salman Al Khalifa, a pris le pouvoir en 1961 et a servi de monarque lorsque Bahreïn a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne en 1971. Dans le cadre d’un arrangement informel, le cheikh Isa s’occupait de la diplomatie et des cérémonies de l’île tandis que le prince Khalifa dirigeait le gouvernement et l’économie.
Après son indépendance acquise en 1971, Bahreïn a cherché à se développer rapidement, afin de sortir de sa dépendance à l’égard de réserves pétrolières en diminution. Manama, à l’époque, a même servi à ce que Dubaï, aux Émirats arabes unis, devienne un centre régional financier, de services et de tourisme.
Mais le prince Khalifa a vu son nom de plus en plus souvent impliqué dans des allégations de corruption, comme par exemple dans une affaire de pratiques de corruption étrangère contre le producteur d’aluminium Alcoa, qui a utilisé un intermédiaire basé à Londres pour faciliter les pots-de-vin aux fonctionnaires bahreïniens. Alcoa a finalement accepté de payer 384 millions de dollars d’amendes au gouvernement américain pour régler l’affaire en 2014.
Ces allégations de corruption ont alimenté le mécontentement, en particulier de la majorité chiite du Bahreïn, qui se plaint encore aujourd’hui d’une certaine discrimination d’État. En février 2011, des manifestants inspirés par les manifestations du Printemps arabe à travers le Moyen-Orient, ont investi les rues et occupé le Pearl Roundabout de la capitale pour exiger des réformes politiques et une plus grande participation à l’avenir du pays.
Au plus fort des troubles, en mars 2011, des milliers de manifestants ont assiégé le bureau du Premier ministre, tandis que des fonctionnaires se réunissaient à l’intérieur, exigeant que le prince Khalifa se retire en raison d’allégations de corruption et d’une répression meurtrière des manifestations. Les manifestants se sont également mis à brandir une note de un dinar bahreïni à la suite d’allégations selon lesquelles le prince Khalifa aurait acheté le terrain sur lequel se trouve le port financier de Bahreïn.
Tard dans la journée de mercredi, les autorités ont annoncé que le prince héritier, Salman ben Hamad al-Khalifa, deviendrait Premier ministre. Ce dernier avait essayé de retirer au prince Khalifa le contrôle de l’économie de Bahreïn pendant des années, avec l’approbation apparente de son père, le roi Hamad ben Isa al-Khalifa.
Crédits photo : AP Photo/Jon Gambrell
